Un homme suspecté d’appartenance à Daech a été expulsé hier d’Allemagne vers la Tunisie. Son avocat, qui pense que l’homme en question va être torturé en Tunisie, évoque un « scandale ». Cette expulsion est réalisée dans le cadre d’un nouvel accord entre la Tunisie et l’Allemagne, accord qui prévoit des « expulsions immédiates ». Notons que mercredi, l’Allemagne a expulsé 22 demandeurs d’asile déboutés en Tunisie.
Charfeddine T., alias Ashraf Al-Tounsi qui a été expulsé hier mercredi, d’Allemagne vers la Tunisie, a été arrêté à Berlin en novembre 2016. Le Procureur fédéral l’avait accusé d’être un membre de Daech. « Les enquêtes en cours suggèrent que le suspect a eu un contact avec un membre de l’État Islamique en Syrie qui était responsable des opérations à l’étranger […] on pense qu’il a eu la permission de planifier une attaque contre des personnes en Allemagne. »
À l’époque, les médias allemands avaient présenté le cas comme la prévention réussie d’une attaque terroriste. Le ministre de l’Intérieur, Thomas de Maizière, avait déclaré « Je suis très heureux qu’il ait été possible d’arrêter ce suspect », avant de louer les forces de sécurité de « tout faire pour empêcher une attaque en Allemagne ».
Mais lorsque le suspect a été déféré devant la Cour Fédérale de Justice de Karlsruhe, la Cour a déclaré que les éléments présentés par la police ne suffisent pas à déterminer que Charfeddine T. est un membre de Daech ou qu’il est en train de planifier une attaque terroriste.
L’accusation a changé
Au lieu de le libérer, la police a alors déféré Charfeddine T. devant un tribunal de District et l’a fait arrêter de nouveau sur accusation de falsification de documents, puisqu’il voyageait avec un passeport syrien falsifié.
Charfeddine T. a ensuite passé cinq semaines en garde à vue et à la mi-décembre 2016, les procureurs fédéraux ont émis un nouveau mandat d’arrêt, reproduisant les accusations d’appartenance à Daech et de contact avec un membre de l’État Islamique en Syrie, ajoutant qu’il était trop tôt pour déterminer s’il planifiait une attaque terroriste.
Selon Jonathan Burmeister, l’avocat du suspect, les accusations étaient basées sur des informations du FBI et de l’Agence Allemande de Renseignement, le Verfassungsschutz.
Cette fois, la Cour Fédérale a accepté l’accusation et le suspect a de nouveau été transféré en détention provisoire.
Mais au lieu d’être jugé, les autorités allemandes l’ont tout simplement expulsé en Tunisie.
Selon son avocat, « Les autorités tunisiennes ont également déclaré que le suspect appartenait aux cercles islamistes, c’est pourquoi nous pensons qu’il sera envoyé directement en prison où on peut s’attendre à ce qu’il soit torturé, car cela arrive souvent en Tunisie quand on est soupçonné d’appartenance à un réseau islamiste ».
L’Allemagne est accusée de laisser la Tunisie faire le « sale boulot »
Cet avis a été confirmé par Wenzel Michalski, directeur de Human Rights Watch Allemagne. Bien qu’il ait admis que la Tunisie est le pays le plus démocratique d’Afrique du Nord, il a ajouté que « de nombreux cas de torture ont été signalés dans le pays, « or les lois allemandes sur l’expulsion obligent les autorités à vérifier si quelqu’un est soumis à des traitements inhumains dans le pays où il est déporté. »
Le dernier rapport d’Amnesty International sur la Tunisie indique que les suspects en détention provisoire ont été victimes de «coups, d’agressions sexuelles et d’isolement prolongé», ainsi que de la méthode «torture de poulet rôti»: ils sont accrochés à une barre avec des menottes aux poignets et aux pieds.
« Du point de vue allemand, il est clair que vous ne pouvez procéder à une expulsion si la personne risque d’être exécutée ou torturée, ou même de ne pas avoir un procès équitable », a déclaré Michalski. « Si tel est le cas, la personne doit être jugée ici. C’est aussi simple que cela. »
L’avocat de Charfeddine T. a dit qu’il ne croit pas que son client planifie une attaque en Allemagne. Il pense que » le procès qui n’a pas eu lieu aurait pu le déterminer […] au lieu de cela, ils décident simplement qu’il est soupçonné d’avoir commis un crime et ensuite de l’expulser pour laisser les autres faire le sale boulot, je pense que c’est un scandale. »