Le chef du GUN (Gouvernement d’union nationale), Youssef Chahed, a effectué un remaniement ministériel. Le changement le plus important concerne la désignation de M. Khalil Ghariani (UTICA) à la place de M. Abid Briki (UGTT) à la tête du ministère de la Fonction publique et de la Gouvernance.
Même s’il l’a démenti lors de son intervention télévisée de dimanche, le choix de M. Youssef Chahed semble être clair : couper l’herbe sous le pied de l’UGTT qui, ces derniers temps, fait pression pour imposer ses choix au gouvernement.
Le syndicat de l’Enseignement supérieur, relevant de l’UGTT, mène une guerre de positionnement avec le gouvernement Chahed. Les derniers mouvements des enseignants n’avaient qu’un seul slogan : limoger le ministre de l’Éducation, M. Néji Jalloul. Le jeune chef du gouvernement n’avait pas trop le choix. Céder devant la pression aurait poussé tous les acteurs politiques et sociaux à suivre l’exemple pour imposer leur volonté. M. Youssef Chahed a décidé de ne céder à aucune pression tout en affinant son style politique : la meilleure défense c’est l’attaque. La suppression de la mise en disponibilité syndicale des enseignants et le maintien de Néji Jalloul prouvent sa volonté d’en finir avec les ultimatums des partenaires politique et sociaux.
Après l’Éducation nationale, le second round entre le gouvernent et l’UGTT tourne autour de Abid Briki, le ministre représentant de la centrale syndicale dans le GUN. Opérant une pression médiatique, le ministre de la Fonction publique et de la Gouvernance a parlé vendredi de son intention de démissionner tout en indiquant qu’il s’était entretenu là dessus avec le secrétaire général de l’UGTT, Noureddine Taboubi, sans cependant passer à l’acte. Cette tentative de faire pression sur le chef du gouvernement a eu un effet contraire, Youssef Chahed a décidé, samedi, de se passer du ministre syndicaliste et de le remplacer par un membre du patronat, M. Khalil Ghariani, président de la commission des affaires sociales de l’UTICA, un homme bien outillé pour les négociations avec les syndicats.
Lors d’une interview accordée à la chaîne privée EL-Hiwar Ettounssi, le chef du gouvernement a indiqué qu’il « n’a pas de message à faire passer à l’UGTT ». Le limogeage de Abid Briki s’inscrit, selon lui, dans le cadre de sa gestion du gouvernement. Malgré le ton modéré dont a usé le chef du gouvernement en parlant du ministre limogé et de l’UGTT, il s’est montré ferme quant au prestige de l’État. « Je suis le seul à pouvoir limoger un ministre », a-t-il rappelé lors de l’émission.
Aujourd’hui, lundi, M. Chahed a rencontré le Secrétaire général de l’UGTT qui, à l’opposé du communiqué rendu public dimanche 26 avril 2017 par son organisation, s’est montré parfaitement conciliant. Juste après la rencontre, il a déclaré aux médias que « la Tunisie ne supportera pas davantage de perturbations », « la raison et la sagesse doivent primer ».
Le mandat de M. Taboubi s’annonce délicat : alors que le pays peine à se relever économiquement et que l’État doit s’acquitter, en 2017, du plus grand service de la dette de son histoire, soit 8 milliards de dinars, l’image de l’UGTT risque d’être sérieusement écornée si elle poursuit ses pressions alors que la masse salariale a doublé depuis 2011, d’autant plus que la croissance ne cesse de baisser (1 % en 2016). Il faut aussi relever que Abid Briki, avant son limogeage, n’a pas tari d’éloges à propos de Youssef Chahed et qu’un revirement dans le comportement de l’UGTT sera considéré comme viscéral.
La situation de Youssef Chahed est elle aussi délicate. Le Fonds monétaire international (FMI) a gelé une partie du crédit réservé à la Tunisie à cause de la lenteur des réformes exigées, d’autre part, la question de la vente des banques publiques pour trouver les ressources nécessaires au paiement de la dette, et qui a été révélée par la ministre des Finances, Mme Lamia Zribi, va provoquer des remous, surtout que ces banques traînent un total impressionnant de créances dites non solvables. Il faut aussi mentionner l’état financier lamentable des caisses nationales. Ces questions, hautement sujettes à polémiques, peuvent donner aux acteurs économiques et sociaux assez de matière pour provoquer une fronde, surtout que la situation reste très délicate et que l’approche des échéances municipales et régionales mettra de l’huile sur un feu qui couve depuis longtemps.