Abolition de la peine de mort, égalité dans l’héritage, suppression de la dot. Instauration de l’autorité parentale partagée, mêmes droits à tous les enfants qu’ils soient nés dans ou hors mariage, dépénalisation de l’homosexualité, empêcher la poursuite de jeunes amoureux qui s’embrassent ou des homosexuels, abrogation de l’article 230 du Code pénal qui punit de trois ans d’emprisonnement la sodomie, interdiction de la pratique du test anal, ouverture des cafés pendant le Ramadan. Levée de l’interdiction de la vente d’alcool et de la fermeture des cafés et restaurants pendant le Ramadan, suppression du crime de blasphème. Des réformes plus que nécessaires pour abolir des mesures liberticides en totale contradiction avec la Constitution tunisienne.
La Tunisie, terre des réformes les plus courageuses
Dans le droite lignée du mouvement réformiste tunisien né au 19e siècle selon la tradition, mais remontant en vérité à la Grande Carthage qui a fondé, dès le 9e siècle avant J.-C. la première République de l’histoire, la commission tunisienne des libertés individuelles et de l’égalité, réunie par la Présidence de la République et présidée par Mme Bochra Belhaj Hmida propose une palette de réformes importantes comme l’égalité en matière d’héritage, l’abolition de la peine de mort et la dépénalisation de l’homosexualité. Pour éviter leur rejet par le législateur, parfois frileux face à des réformes entrant en conflit avec des interprétations rigides de la tradition musulmane, la Commission suggère plusieurs options susceptible de permettre des évolutions plus limitées.
« Une vraie révolution, un acte de civilisation. »
La commission des libertés individuelles et de l’égalité, créée par décret présidentiel le 13 août 2017, jour de la femme, a officiellement présenté son rapport à la presse mercredi 20 juin. Elle préconise toute une série de réformes sociétales pour mettre le droit tunisien en harmonie avec la constitution de 2014 (et les conventions internationales) qui prône l’égalité des citoyens et la liberté de conscience.
Abolition de la peine de mort et égalité dans l’héritage
Les neuf membres de la commission (juristes, islamologues, anthropologues, militants des droits humains) préconisent l’abolition de la peine de mort toujours prononcée par des magistrats même s’il existe un moratoire de fait depuis 1991. Ils se prononcent pour l’égalité en matière d’héritage entre frères et sœurs, fils et filles, époux et épouse, sans se lancer dans le vaste chantier de la réforme de la totalité du droit successoral.
Ils recommandent de supprimer la dot comme condition pour le mariage et pour la consommation du mariage. Au sein de la famille, ils conseillent d’abolir le rôle de chef de famille dévolu au père, d’instaurer l’autorité parentale partagée et de garantir les mêmes droits à tous les enfants qu’ils soient nés dans ou hors mariage.
Dépénaliser l’homosexualité
Ils reformulent de manière beaucoup plus restrictive les atteintes à la pudeur et aux bonnes mœurs qui permettent entre autres de poursuivre de jeunes amoureux qui s’embrassent ou des homosexuels.
L’article 230 du Code pénal qui punit de trois ans d’emprisonnement la sodomie devrait être abrogé à leurs yeux, de même que la pratique du test anal qui porte atteinte à l’intégrité physique des personnes. L’an dernier, au moins 70 personnes ont été condamnées à de la prison ferme pour homosexualité, selon l’Association tunisienne de défense des libertés individuelles (ADLI).
Ouvrir les cafés pendant le Ramadan
Enfin la mention de la religion devrait être supprimée des lois relatives aux droits civils. De ce fait, l’interdiction de la vente d’alcool, la fermeture des cafés et restaurants pendant le Ramadan devraient être levés dans le respect de la liberté de conscience et de croyance qui doit primer sur la protection du sacré. Le crime de blasphème devrait être supprimé.
Telles sont les principales conclusions et convictions de la commission. « La Colibe explique bien que référents religieux et défense des droits humains inscrits dans la constitution ne sont pas en contradiction et qu’il est légitime de revoir les règles de la charia établies par des humains, dans la lignée de l’historique réformisme tunisien », approuve Monia Ben Jemia.
Alternatives stratégiques
Kalthoum Meziou, grande promotrice de l’égalité en matière d’héritage déclare « face à ces questions sociétales sensibles, la commission a proposé d’autres options ». Ainsi l’égalité en matière d’héritage pourrait être refusée par testament. Ou, autre option, une fille pourrait refuser l’inégalité selon laquelle elle hérite moitié moins que son frère. « Cela fait tout de même progresser dans les esprits l’idée que l’égalité est une perspective envisageable », estime-t-elle.
De même à défaut d’abolition de la peine de mort, celle-ci pourrait être circonscrite à certains crimes de sang. Ou faute de vouloir supprimer le délit d’homosexualité, la peine de prison pourrait être remplacée par une amende.
Un accueil enthousiaste de la société civile
« La commission agit par pragmatisme pour éviter que des propositions soient purement et simplement rejetées par les parlementaires, empêchant du coup toute alternative, » analyse Monia Ben Jemia.
Toutes les plus grandes ONG (la ligue tunisienne des droits de l’homme, l’ATFD, l’Adli, Shams qui défend les homosexuels, etc.) ont unanimement salué le rapport. « Elles appellent à se mobiliser pour soutenir ses propositions les plus audacieuses », relève Mohamed Chérif Ferjani, politologue à l’université de Lyon 2.
Des imams hostiles à la réforme
Les projets de réforme ne font pas que des heureux. « De nombreux imams mènent campagne contre le rapport dans les mosquées », affirme Mohamed Chérif Ferjani. L’intégriste islamiste Adel Almi, n’a pas hésité à appeler à lapider à mort les membres de la commission… Drôle de perception d’un islam pourtant fondamentalement progressiste mais que plusieurs parties obscurantistes veulent figer pour des raison de dominance.
Le rapport est dorénavant entre les mains du président de la République, Beji Caïd Essebsi, qui n’a pas encore publiquement réagi. Mais beaucoup pensent déjà au 13 août prochain, date traditionnelle d’annonces en faveur des femmes en Tunisie.
Mme Bochra Belhaj Hmida a enfin souhaité que ces réformes soient défendues dans les programmes politiques lors des campagnes électorales.