Le fait mérite d’être relevé: après Farhat Rajhi, Habib Essid, Ali Laarayedh, Lotfi Ben Jeddou, Najem Gharsalli et Hédi Mejdoub, c’est la première fois que le ministère de l’Intérieur est administré par un professionnel de la sécurité.
Lotfi Brahem jouit d’une excellente expérience en matière de sureté nationale. Fini, donc, l’amateurisme des magistrats, ingénieur agronome, et autres cadres éloignés du sujet qui ont été à la tête de la sécurité du pays dans la pire période d’insécurité de l’histoire de la République. Lotfi Brahem est issu de l’Académie militaire et il arrive droit de la Direction Générale de la Garde Nationale, corps qui s’est illustré, ces dernière années, par sa lutte contre le terrorisme. On rappelle à cet effet les opérations les plus importantes, celles contre Lokman Abou Sakhr, Mourad El Gharsalli, Abou Sofiane Al Soufi, l’opération de Jebel Birnou, etc… Dans sa lutte contre le terrorisme, la Garde Nationale a payé le prix fort: 33 morts et 75 blessés graves*.
En 2011, la Direction Antiterroriste de la Police Nationale et le corps de la Sûreté de l’État ont été vidés de leurs cadres tandis que les structures locales du RCD (qui travaillaient pour le régime dictatorial, mais qui constituaient un très puissant réseau de renseignement) ont été démantelées. Le terrorisme a alors prospéré, spécialement à l’arrivée de la Troïka au pouvoir, quand le gouvernement d’Ennahdha a tout fait pour empêcher la police de faire son travail contre les terroristes que Rached Ghannouchi considérait comme « ses enfants » et qu’il pensait pouvoir contrôler. De très nombreux terroristes notoires ont été autorisés par le pouvoir islamiste à entrer dans le territoire et tout le monde se souvient des nombreuses affaires par lesquelles le pouvoir d’Ennahdha a prouvé sa proximité avec les terroristes (refus d’intervenir à Jebel Chaambi, affaire Abou Yadh, création de plusieurs « califat » dans le pays, appels au meurtre de personnalités nationales, attaque de l’Ambassade US, assassinats politiques, recrutement des jeunes désœuvrés pour la Syrie, etc.).
Ce double jeu d’Ennahdha se manifesta par une absence de volonté manifeste de mener une vraie guerre contre le terrorisme. Mais si le corps de la police nationale a été phagocyté par le pouvoir, la Garde Nationale, elle, a réussi à travailler de façon indépendante.
La Garde Nationale – dont le domaine de compétence est celui des zones rurales – dispose de Directions équivalentes à celles de la police, comme celle des Renseignements ou encore celle de l’Antiterrorisme. Il faut d’ailleurs rappeler qu’en février-mars 2011, lors de la période très trouble qui a suivi la chasse aux sorcières du ministère de l’Intérieur et qui failli générer, plusieurs fois, le chaos, c’est la Garde Nationale qui a stabilisé la situation.
Dans le domaine de l’antiterrorisme, la Garde Nationale a réalisé un nombre impressionnant d’opérations. Les observateurs estiment à plus de 80% la part de la Garde Nationale dans la lutte antiterroriste de ces dernières années. Pourtant, les directions du Renseignement et de l’Antiterrorisme de la Garde Nationale sont bien moins importantes que celles de la police nationale, phagocytée par Ennahdha qui y a placé ses sbires pour, justement, protéger sa grande opération de recrutement des jeunes tunisiens pour le Moyen Orient, opération placée, rappelons-le, sous l’égide du Qatar.
D’autre part, la lutte « en col blanc » contre le terrorisme: transferts de fonds, propagande wahhabite, radicalisation, a été parfaitement ignorée par les autorités, prouvant par là que le terrorisme, en Tunisie, fut une affaire d’État.
C’est ainsi que la nomination de M. Lotfi Brahem à la tête du ministère de l’Intérieur augure probablement d’une véritable volonté de changer la donne. Il faut préciser que M. Brahem était à la tête de la Garde Nationale et qu’à ce poste, tout comme son prédécesseur Mounir Ksiksi, il était l’ennemi public n°1 des islamistes qui ont tenté, plusieurs fois, de saboter son travail. Sa nomination au poste de ministre de l’Intérieur provoque déjà une levée de boucliers, des appels à manifester ont été émis.
M. Brahem a une grosse mission qui l’attend: changer la mentalité faiblarde qui s’est abattue sur la police nationale depuis 2011 et remettre en selle la lutte véritable contre le terrorisme et la corruption.
Une chose est certaine: une vraie volonté de lutter contre ces fléaux toucheras des intérêts très importants à la tête de l’Etat. M. Brahem ira-il jusqu’au bout? Il aura pour cela, l’aval du chef du gouvernement qui s’est clairement engagé dans cette voie.
Enfin, en Octobre et avec la publication du nouveau rapport de l’INLUCC, la lutte contre la corruption va passer à un palier supérieur et le ministère de l’Intérieur, comme celui de la Justice, devra être fin prêt pour soutenir l’Instance anti corruption.
M. Lotfi Brahem pourrait donc bien être l’homme de la situation à la tête d’un ministère qui n’a que trop subi l’incohérence d’une politique dangereuse pour le pays.