Le meilleur symbole de la grande arnaque est dénoncé dans ce statut Facebook: Nidaa Tounes, le parti au pouvoir, occupe pour QG de la campagne des municipales de La Marsa, un local dont le propriétaire a reçu trois ordres de démolition, les trois parfaitement ignorés par les autorités. Or, cette semaine, des maisons ont été démolies à quelques kilomètres de là, dans un quartier pauvre, sur la base d’un même ordre de démolition. Politique des deux poids deux mesures qui dévoile l’extrême injustice et la corruption qui demeurent, malgré la révolution, les deux mamelles d’un État en complète déconfiture.
La révolution a porté l’espoir d’une Tunisie démocratique et prospère, mais 7 ans après, elle n’a abouti qu’à assurer encore plus d’impunité devant une corruption et une incompétence qui ont augmenté de façon exponentielle.
Au pouvoir, deux partis conservateurs bloquent toute réforme
En réalité, malgré la révolution, la Tunisie subit, depuis 2011, une entente au plus haut niveau de l’État entre partis supposés adversaires mais qui ne s’occupent que de leurs petits intérêts de caste ou de clan. C’est ainsi que deux conservatismes: celui des Frères-Musulmans et celui des oligarques de l’ancien régime, se sont unis pour empêcher toute réforme susceptible de changer la donne.
Révolution étouffée politiquement
Toute la puissance réformatrice révolutionnaire a été rendue caduque par la mise en place d’un régime politique bâtard basé sur un système électoral de proportionnelle intégrale surmonté de la cerise du « meilleur reste ». Ce système, qui encourage la division des petits, profite aux machines électorales mafieuses calquées sur les partis uniques de l’ancien régime dont le rôle est de phagocyter l’État pour lui sucer toute substance.
État voyou
À ce système mafieux s’est ajouté, depuis 2011, l’ingérence de pétromonarchies en concurrence. Les Emirats et le Qatar font ainsi la pluie et le beau temps, grâce à des transferts d’argent sale destinés à asseoir leur influence. Après avoir financé le terrorisme et les élections, ces transferts illégaux ont fini par jeter la Tunisie dans la liste des Etats voyous.
« Liberté d’expression! »
« Liberté d’expression! » crient les défenseurs du système, mais après une épouvantable cacophonie qui a duré des années, aujourd’hui, cette liberté est sérieusement menacée par la nouvelle loi de l’audiovisuel et surtout par les conseillers en communication du pouvoir en place, qui, démunis de toute politique à communiquer, n’ont d’autre choix que de verrouiller chaque jour d’avantage l’accès à l’information.« La seule chose qui intéresse le gouvernement, c’est comment mettre la main sur les médias » s’est alarmé Néji Bghouri, le président du Syndicat National des Journalistes Tunisiens. Menaces, nominations de proches, procès, argent, interdictions, promesses et autres armes de persuasion massive des régimes scélérats sont brandies et les journalistes, pour la plupart dans une situation financière désespérée, cèdent aux pressions et taisent des dossiers d’une importance capitale dont la publication trahirait la véritable nature du système.
Une parodie de justice
Alors que la justice militaire est considérée, partout dans le monde comme une parodie de justice, en Tunisie, elle est instrumentalisée par le gouvernement dans des pseudo procès de « complot contre l’État » pour faire taire les voix discordantes, souvent influencées par une accusation aussi grave.
Or, derrière cette parodie de justice, on assiste à l’arrestation des cadres qui refusent de se soumettre aux désidératas de l’exécutif. Et, pour mieux faire passer la pilule, le pouvoir brandit l’épouvantail d’une lutte fantomatique contre la corruption.
En réalité, les centaines de dossiers de corruption déposés depuis 3 ans devant la Justice par l’Instance de Lutte Contre la Corruption restent lettre morte.
L’unique lutte en cours, et qui concentre tous les efforts, est celle pour le pouvoir avec pour point de mire les élections de 2019 alors que le pays, exsangue est au bord de l’effondrement économique et financier.
Mauvaise gouvernance
Les investisseurs, nationaux comme étrangers, sont souvent découragés par une administration qui exige des démarches ridicules destinées à leur soutirer de l’argent. Même si ces pratiques sont répandues dans le monde, le problème est qu’en Tunisie, il n’existe ni justice ni vis à vis, ce qui entraîne d’énormes manques à gagner pour le pays.
Ce même esprit est généralisé dans le secteur public, souvent à la merci de mafieux. L’exemple de l’industrie du phosphate, essentielle pour l’économie du pays est édifiant. Celui des Energies l’est aussi: malgré un ensoleillement exceptionnel, la Tunisie reste tributaire des hydrocarbures alors qu’elle n’en produit que très peu. Des projets géants d’énergie solaire sont programmés, mais face à la mauvaise volonté de responsables sans vision, les promoteurs préfèrent abandonner ou aller ailleurs.
Si au lendemain de la révolution la Tunisie avait choisi la voie du « solaire », l’énergie serait aujourd’hui presque gratuite et l’État économiserait des milliards de dinars de la note énergétique. Mais ne rêvons pas, aujourd’hui, au 21e siècle, alors que des pays scandinaves investissent dans le solaire, que l’Allemagne compte 1,5 millions d’autoconsommateurs la Tunisie, elle, bien que baignant dans l’ensoleillement, continue d’acheter des centrales électriques à coup de centaines de milliards avec des rétro commissions très substantielles. L’affaire est sur tous les bureaux des responsables, mais rien n’y fait.
Aucune vision…
Ce qui se passe dans les domaines de l’Industrie et de l’Énergie se passe partout ailleurs: aucune politique n’est pensée. Le domaine des Transports est à ce titre scandaleux: les importations de voitures particulières sont considérées comme des priorités nationales alors que les transports publics tombent en ruine. C’est simple, avant l’indépendance, la Tunisie comptait plus de lignes ferroviaires qu’aujourd’hui.
D’ailleurs pour combler le vide sidéral du transport public, l’État s’est abaissé à importer des bus d’occasion. Par contre, concernant les voitures particulières, plus de 60 000 par an sont importées, rendant les grandes villes invivables.
Cette manne de l’importation de voitures particulières (1500 milliards) pourrait plutôt servir à promouvoir une industrie automobile, surtout que la plupart des intrants sont produits en Tunisie, mais les responsables n’ont aucune vision économique. Au contraire, des jeunes ingénieurs et industriels tunisiens réussissent à produire voitures, avions, bateaux et autres moyens de transports, mais ils sont complètement abandonnés à eux mêmes et souvent découragés sinon carrément sabotés car les enjeux de l’importation paraissent, pour les responsables, plus importants que ceux de la production, ce qui veut tout dire.
Des responsables imperméables aux idées
Il serait trop long d’évoquer tous les domaines dans lesquels l’État joue le rôle du saboteur. Tous les jours des centaines de témoignages le rapportent.
La matière grise tunisienne est agissante partout dans le monde sauf en Tunisie où les responsables sont parfaitement imperméables à toute idée.
Un pays pourtant facile à développer
Pourtant, que de projets, de visions, d’idées, de possibilités. La Tunisie pourrait redevenir, en très peu de temps, le formidable carrefour de civilisation et de commerce qu’elle a souvent été dans son histoire et offrir une vie décente à tous ses citoyens. Elle dispose d’un patrimoine historique d’une diversité à couper le souffle et qui, à lui tout seul, pourrait remplir les hôtels toute l’année. Elle joui d’une diversité climatique et de paysages extraordinaires. D’une terre qui produit des légumes et des fruits exquis. D’une jeunesse capable de tous les miracles. D’une population au grand cœur, facile à mobiliser mais qui, abandonnée à elle même, devient ingérable… bref, beaucoup d’atouts naturels et humains qui pourraient propulser le pays au firmament de l’humanité.
2019
Quand, comment sortir de cette situation catastrophique pour aspirer à s’élever? 18 mois avant les législatives et les présidentielles de 2019, quelques politiciens osent parler de refonte du système électoral, il s’agit, certes, du préalable nécessaire, mais les Tunisiens attendent encore ceux qui vont présenter un véritable plan de sortie de crise. Les cris d’orfraie envers les islamistes et les mots d’ordre jamais suivis contre la corruption, le sureffectif administratif, la mauvaise gestion des joyaux économiques du pays, etc. ne mobilisent plus personne car les gens ne croient plus en la classe politique. La Tunisie attend un simple miracle, celui de la simplicité, de l’écoute, de l’ouverture d’esprit, de l’esprit d’entreprise, en un mot, elle attend des responsables. En guise de conclusion, cette réponse d’un énarque à qui nous avons demandé comment il voyait la sortie de crise : « on ne confie pas une machine-outil à des plombiers ».
La libération des Tunisiens de la dictature n’a fait que les soumettre à un système encore plus insidieux, corrompu et incapable de leur offrir le minimum de viabilité ni de visibilité, ce qui pousse la majorité au rejet d’une caricature de démocratie synonyme de gabegie et d’arnaque.