Suite à la publication, par l’Institut National des Statistiques, de chiffres concernant la reprise économique, l’économiste M. Ezzedine Saidane a publié un texte contenant plusieurs précisions utiles à la compréhension de la situation économique et à la remise en cause de ladite reprise économique. M. Saïdane conclut que « l’effondrement de l’économie peut mettre en danger les progrès réalisés au niveau de la transition démocratique ».
Voici pourquoi il n’y a pas de reprise de l’économie
Par Ezzedine Saïdane
1- La croissance économique reste faible:
2,1% en glissement annuel (sur les 12 derniers mois) et 0,7% pour le troisième trimestre de cette année par rapport au trimestre précédent (2ème trimestre 2017) . Ceci donne une croissance de 1,9% pour les neuf premiers mois de cette année par rapport aux neuf premiers mois de l’année 2016. Ce rythme de croissance demeure insuffisant en termes de création d’emplois, de création de richesses et d’amélioration du niveau de vie du citoyen Tunisien. Il ne permet pas non plus de parler d’une reprise de l’économie;
2- Le déficit de la balance commerciale atteint un nouveau record:
13,2 milliards de Dinars pour les 10 premiers mois de cette année (12,6 milliards de Dinars pour toute l’année 2016). Une partie de ce déficit sera couverte par les recettes du tourisme, par les transferts des Tunisiens à l‘étranger et par les IDE (Investissements Directs Étrangers). Le reste doit être couvert en devises, donc par de la dette extérieure supplémentaire !!!
3- La planche à billets
Le refinancement des banques par la Banque Centrale (planche à billets) atteint un nouveau record: 10,738 milliards de Dinars au 15 novembre 2017;
4- Les réserves de change
Elles baissent rapidement pour atteindre l’équivalent de 92 jours d’importation (ligne rouge: 90 jours) et ce malgré les crédits extérieurs (et intérieurs en devises) contractés récemment;
5- Le Dinar continue de glisser.
Le Dinar a perdu plus de 20% de sa valeur depuis le début de l’année, plus de 40% depuis 3 ans, et plus de 60% depuis 2010;
6- La dette publique
Elle atteint 70 milliards de Dinars (25 milliards de Dinars en 2010), soit 45 milliards de Dinars de dettes supplémentaires en 7 ans. Le projet de loi des finances 2018 prévoit 76 milliards de Dinars pour 2018;
7- L’inflation
Elle reprend de plus belle: 5,8% annoncé par l’INS et plus de 9% vécu par le citoyen. Le citoyen Tunisien a perdu 25% de son pouvoir d’achat depuis 2010. La solution, de toute évidence, n’est pas dans les augmentations de salaires. Il faut redresser l’économie;
8- L’épargne nationale
C’est l’épargne nationale qui sert à financer les investissements, elle continue à baisser, elle est désormais à 11% du PIB (22% en 2010);
9- Le projet de loi des finances 2018
Il fait l’unanimité (ou presque) contre lui. Il se base sur des hypothèses qui sont déjà dépassées. Il prévoit, entr’autres, 8,5 milliards de service de la dette pour 2018 (remboursements de principal et intérêts) et 9,5 milliards de Dinars de crédits nouveaux. La Tunisie emprunte pour rembourser ses dettes! Il prévoit de nouveaux impôts et de nouvelles taxes. Mais il comporte par contre peu de mesures en termes de maitrise des dépenses de l’État;
10- Le rapport de Fitch Ratings
Fitch Ratings vient de publier un rapport de 140 pages sur la Tunisie. Ce rapport est négatif, très négatif même. Le principal reproche concerne l’absence de réformes visant à sauver l’économie;
11- Le FMI
Le FMI n’a pas débloqué la troisième tranche du crédit de 2,9 milliards de Dollars (prévue pour octobre 2017). Le FMI préfère attendre le sort de la loi des finances 2018. N’oublions pas que les institutions financières s’alignent derrière la position du FMI;
Il n’y a donc pas de reprise économique.
Les ratios continuent de se détériorer et il n’y a pas de stratégie de sauvetage. La Tunisie a besoin d’une prise de conscience, voire même d’un choc. L’effondrement de l’économie peut mettre en danger les progrès réalisés au niveau de la transition démocratique.
Le sauvetage de l’économie demeure possible si les responsables politiques sont disposés à concentrer leurs efforts sur le sauvetage de l’économie et non pas sur leur carrière politique personnelle.