L’alliance Nidaa-Ennahdha issue des élections de 2014 n’a fait qu’approfondir les différentes crises et quatre ans plus tard, aucune alternative n’apparaît, d’où une désaffection générale pour la politique doublée d’une inquiétude légitime: où va le pays entre des mains aussi inexpertes?

Ennahdha et Nidaa dans une mauvaise passe

Les municipales vont mettre en concurrence des listes plus ou moins indépendantes et des partis qui sont confrontés à une crise de crédibilité, à commencer par les premiers d’entre eux, Nidaa et Ennahdha, en froid depuis la législative en Allemagne qui a été un énorme fiasco pour tous ceux qui se sont présentés. Ennahdha, méfiante face à la désaffection des électeurs, avait préféré se désister tout en promettant de soutenir la liste Nidaa mais en fin de compte, elle a préféré tirer son épingle du jeu et observer les résultats son allié objectif. Nidaa, malgré une candidature de son chef retirée in extremis, a obtenu un résultat risible qui a jeté un énorme doute sur sa « machine » présentée depuis des années comme un instrument électoral efficace. En fait, Nida peine à ouvrir les yeux et à réaliser que ni l’argent, ni les sondages ni son hégémonie sur les médias ne sont suffisants pour lui assurer un résultat à peine honorable.

Ennahdha a commencé depuis quelques mois à approcher des listes « indépendantes » pour poursuivre sa politique de déstabilisation de l’adversaire, entamée en 2011, mais qui a connu une éclipse en 2014, quand les Tunisiens avaient voté « utile » pour Nidaa et Béji Caïd Essebsi. Mais ces deux derniers se sont révélés tout à fait incapables de sortir la Tunisie de ses crises, ce qui rend impossible un nouveau vote utile des progressistes, surtout que Nidaa s’est jeté, de façon aveugle, sur les genoux d’Ennahdha. Dans ces conditions, Nida sera loin de son score de 2014.

Ainsi, il est possible de conjecturer qu’Ennahdha, grâce au vote de ses fidèles, arrivera première. Il est toujours utile de rappeler que les votants d’Ennahdha ne font pas acte politique, mais sectaire.

Le Front populaire moins séduisant qu’en 2014

Le Front populaire, qui, en 2014, avait séduit, connaîtra probablement un recul vu son refus de s’impliquer dans la gestion de l’Etat, refus qui a déçu une proportion importante des sympathisants qui se disent tout simplement « pourquoi voter pour un mouvement qui refuse d’exercer le pouvoir« .

 

Abir Moussi et le déni de l’histoire

Le Parti destourien libre (PDL) profite de la véloce Abir Moussi qui surfe sur le rejet de la révolution. La présidente du PDL a affirmé haut et fort ne reconnaître ni la révolution du 14 janvier 2011 ni la nouvelle constitution adoptée en 2014. Elle a même annoncé que son parti est sur le point de dévoiler une nouvelle version de la Constitution.

Au lieu de s’engager dans un chantier aussi irréaliste, le PDL aurait du évoquer un changement de la loi électorale, il aurait ainsi gagné en crédibilité.

Mohamed Abbou ‎et le Courant Démocrate – Attayar التيار الديمقراطي‎.

M. Mohamed Abbou est l’un des rares hommes politiques tunisiens qui séduisent les jeunes et qui jouissent d’une certaine crédibilité dans l’ensemble du paysage politique. Cependant, selon les observateurs, son alliance avec d’autres formations jouera contre son mouvement qui verra ses atouts dilués. Il profitera donc très peu d’un élément non négligeable, son épouse, Mme Samia Abbou qui a obtenu le score le plus élevé en termes d’avis favorable dans le sondage d’opinion de l’International Republican Institute effectué fin 2017.

Les listes de la Société Civile

La grande inconnue viendra des listes de la Société civile. Celles qui garderont leur indépendance envers les partis et porteront un programme fiable feront la différence. Plusieurs bonnes surprises sont à attendre de ce côté là, le seul encore vierge dans une vie politique plusieurs fois déflorée.

L’Union Civile réussira-t-elle à mobiliser les « modernistes »?

Le dernier vecteur sera celui de l’abstention qui connaîtra un record vu le flou concernant les « modernistes ». L’absence d’un mouvement rassembleur offrant de la visibilité détournera de nombreux électeurs et ce n’est pas la mosaïque de « l’Union Civile » qui jouera ce rôle car elle s’y est prise trop tard et est devenue, de ce fait, une concurrente de cette Société Civile dont elle se voudrait proche. Surtout qu’au lieu de se suffire d’un label de soutien aux listes établies depuis des mois et donc fiables, elle a préféré présenter ses propres listes.

Mais les vertus de l’union restent nobles et il est possible qu’une belle campagne produise ses effets. Son score dépendra de la volonté et de la capacité de travailler ensemble. Si elle est manifeste, l’Union Civile pourrait probablement obtenir de bons résultats, mais pour le moment, rien ne nous permet de croire à une dynamique positive.

Politique VS politicaillerie

En définitive, Ennahdha sortira très probablement vainqueur des élections municipales,  mais ce sera un petit vainqueur car elle n’obtiendra pas son score grâce à ses capacités politiques, mais en se fondant sur la logique religieuse, ce qui la place d’emblée hors du champs politique et lui assure des dividendes indus. Ainsi, la Tunisie sera victime de sa pratique démocratique qui s’est révélée incapable de produire du politique. La Tunisie reste l’otage de ses archaïsmes: le clientélisme et le vote religieux.

 

 

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