Note de lecture

Le document intitulé « L’utilisation de la figure d’Héraklès par Hannibal » de Dominique Briquel analyse l’influence de la figure mythologique d’Héraklès (Hercule) sur la propagande d’Hannibal durant la deuxième guerre punique. Voici une synthèse approfondie des points clés abordés dans ce texte :

Contexte général

Hannibal, lors de ses campagnes contre Rome, a été une figure fascinante de l’histoire ancienne. Sa réputation repose en grande partie sur les sources romaines et grecques, qui ont présenté une image biaisée par la perspective romaine victorieuse. Toutefois, des fragments d’historiens grecs pro-carthaginois, comme Silènos de Kaléaktè, permettent de comprendre comment Hannibal utilisait le symbolisme et la mythologie pour légitimer et glorifier son entreprise militaire.

Héraklès, le héros grec reconnu pour ses exploits et ses voyages, a servi de modèle à Hannibal pour diverses raisons :

  1. Modèle héroïque:

Hannibal s’est comparé à Héraklès, se plaçant dans une tradition d’exploits héroïques. L’un des exemples marquants de cette comparaison est son franchissement des Alpes, qui rappelle l’un des exploits mythiques d’Héraklès, renforçant ainsi l’idée que Hannibal suivait les traces de ce héros en conquérant des territoires barbares et inconnus.

2. Association avec Melqart :

annibal, d’origine carthaginoise, a également puisé dans les racines phéniciennes de sa culture en associant Héraklès avec Melqart, un dieu tutélaire de la cité de Tyr, souvent assimilé à Héraklès. Hannibal se rendit au sanctuaire de Melqart à Gadès (l’actuelle Cadix) pour invoquer la protection divine avant de commencer sa marche contre Rome. Cet acte démontrait l’intention d’Hannibal de placer son expédition sous l’égide d’un héros à la fois grec et phénicien, créant ainsi un lien fort entre son entreprise militaire et une tradition héroïque.

3. Le songe d’Hannibal :

n fragment de Silènos, rapporté par Cicéron, raconte un songe d’Hannibal dans lequel Jupiter lui apparaît et lui attribue un guide divin, interprété comme étant Héraklès, pour l’accompagner dans sa campagne contre Rome. Ce rêve symbolique ancre encore davantage Hannibal dans une démarche divine, où son expédition est perçue non seulement comme un acte militaire, mais aussi comme un accomplissement héroïque.

Héraklès, civilisateur et vainqueur de monstres

Héraklès, au-delà de ses exploits guerriers, est aussi reconnu comme un civilisateur, triomphant de forces barbares et apportant la civilisation aux contrées lointaines. Dans cette optique, Hannibal a voulu s’assimiler à Héraklès, non seulement comme un conquérant, mais aussi comme quelqu’un apportant l’ordre à travers ses victoires. Cornelius Nepos mentionne qu’Hannibal, en ouvrant une voie à travers les Alpes, aurait « dompté » ces terres sauvages, les rendant plus accessibles et civilisées.

La propagande d’Hannibal et l’héritage d’Héraklès

En utilisant la figure d’Héraklès, Hannibal cherchait également à discréditer ses ennemis romains. Silènos relate que le Mont Palatin, site emblématique de Rome, était nommé d’après une princesse hyperboréenne, une figure étrangère liée à Héraklès. Cela permettait à Hannibal de revendiquer une continuité historique et divine dans son avancée vers Rome, suggérant que sa conquête n’était pas seulement légitime, mais s’inscrivait dans une tradition ancienne liée aux exploits d’Héraklès.

Les Gaulois et Héraklès

Un autre aspect intéressant est l’association entre Héraklès et les Gaulois. Il existait à l’époque une tradition selon laquelle Héraklès aurait eu des interactions positives avec les Gaulois, et Hannibal, qui comptait dans son armée de nombreux contingents celtiques, a probablement utilisé cette légende pour renforcer l’unité et la motivation de ses troupes. Cela a aussi permis d’ancrer symboliquement son invasion de Rome dans une tradition de conquête légitimée par le passé.

Conclusion

La propagande d’Hannibal reposait sur l’utilisation d’images et de symboles puissants, en particulier la figure d’Héraklès. En se positionnant comme un nouvel Héraklès, Hannibal n’a pas seulement cherché à légitimer ses actions sur le plan militaire, mais aussi à se présenter comme un héritier d’une tradition héroïque et civilisatrice, opposant la grandeur de ses exploits à la barbarie supposée des Romains. L’utilisation de la mythologie grecque et de l’héritage phénicien lui permettait de renforcer cette image tout en galvanisant ses troupes et en cherchant à influencer l’opinion publique, notamment dans le monde grec.

Ce texte met donc en lumière la complexité de l’approche stratégique et idéologique d’Hannibal, qui, en plus d’être un tacticien brillant, savait manipuler les symboles pour donner du sens et de la portée à ses actions.

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