Le 7 mars, Ben Gardane commémore sa victoire contre le terrorisme.
Grace à un énorme travail du Renseignement et au courage des forces de l’ordre et du peuple, la première grande victoire contre Daech sur le sol de la Tunisie avait été acquise.
Pourtant, deux ans plus tard, les responsables politiques ont remis en cause la réussite de la lutte contre le terrorisme.
Après la destruction de la Libye par l’Otan, 1000 à 1500 Tunisiens y ont rejoint les milices terroristes. En 2015, certains d’entre eux étaient revenus en Tunisie pour y fomenter des attentats.
Le 18 mars, 2 mois après l’installation du gouvernement Habib Essid, deux terroristes mitraillent les visiteurs du Musée national du Bardo, ils exécutent 24 personnes et en blessent 45.
Malgré les énormes erreurs sécuritaires qui ont permis cette attaque, le ministère de l’Intérieur ne subit aucun changement majeur. 3 mois plus tard, en juin un terrible attentat frappe Sousse puis, en novembre un autre attentat frappe la Garde présidentielle au cœur de Tunis, à 100m du ministère de l’Intérieur.
Les spécialistes de la sécurité ont finalement été entendus par les dirigeants et Béji Caïd Essebsi ordonna de mettre à la tête des service de sureté des compétences confirmées dont Imed Achour à la tête du Renseignement et Saber Laajili à l’Antiterrorisme.
Imed Achour commence par mettre à l’écart des Services Spéciaux 256 cadres nommés au temps de la Troika. Le travail de Renseignement reprend sérieusement et des agents sont envoyés en Libye, c’est en effet de là que vient la grande majorité des terroristes.
Le bombardement US de Sabratha
Le 19 février 2016, un raid aérien américain frappe une maison à Sabratha et tue une cinquantaine de terroristes, dont de nombreux Tunisiens. Des rescapés sont arrêtés, ils avouent qu’ils préparent la prise de Ben Gardane.
Imed Achour et ses collègues de la Garde Nationale et de l’armée prévoient alors un dispositif sécuritaire exceptionnel.
Le 2 mars 2016, un premier affrontement a lieu à El Aouija, près de la frontière avec la Libye. Cinq terroristes sont tués ainsi qu’un civil.
L’attaque du 7 mars
Le 7 mars, à l’aube, une centaine de terroristes lancent leur attaque. Elle commence par l’assassinat, à leur domicile, de deux responsables de la lutte antiterroriste.
Les terroristes, divisés en plusieurs groupes et bénéficiant de la complicité de cellules locales, attaquent de façon simultanée la caserne de l’armée, le secteur de la police et le QG de la garde nationale. D’autres sillonnent la ville avec des mégaphones en annonçant qu’ils sont « l’État islamique ». Ils appellent la population à les soutenir.
Deux des trois attaques échouent immédiatement, seule l’attaque de la Garde Nationale se poursuit, mais l’armée et la police, libérés par l’échec des attaques les visant, arrivent à la rescousse. Ils sont encouragés par la population qui fait preuve d’un incroyable engagement, les assiste et les informe.
A la mi journée, les terroristes fuient, ils sont pourchassés. Dans la journée, une cache d’armes est découverte à l’intérieur de la ville.
Des soldats se prennent en selfie avec des cadavres de terroristes, les photographies font le tour du monde. L’effet sur les populations est important: pour la première fois, ce sont les terroristes qui sont montrés dans un piteux état. La peur change de camp.
Bilan
Dans l’après-midi, le bilan est de 36 morts et 7 prisonniers parmi les assaillants et sept civils tués, dont un enfant de douze ans. Les forces de l’ordre ont perdu douze hommes et comptent quatorze blessés.
Le lendemain, un autre affrontement a lieu et sept terroristes sont tués. Dans la journée du 9 mars, deux autres sont repérés et tués. Un autre est abattu le même jour dans une maison.
Le 10 mars, trois terroristes sont tués près de Ben Gardane, deux dans la région de Hassi al-Nour et un autre dans la région de Zokra, un dernier est fait prisonnier.
Un nouvel accrochage éclate le 19 mars: deux terroristes retranchés dans une maison sont tués, un garde national et trois civils sont blessés. Le 21 mars, un autre terroriste est tué à Sayah, à trois kilomètres au nord-est de Ben Guerdane, et onze personnes sont blessées, dont un civil.
La sureté nationale, deux ans plus tard
Plusieurs réseaux terroristes ont été démantelés, des caches d’armes importantes, susceptibles de frapper très fort le pays, ont été découvertes et les réseaux de terroristes en Libye mis à mal.Mais suite à un imbroglio juridico politique, ceux qui sont à l’origine de bien des progrès sur le dossier de la lutte contre le terrorisme, Imed Achour et Saber Laajili, ont été arrêtés et, selon plusieurs sources fiables, très artificiellement mêlés à une affaire de « complot contre l’État ». Ces mêmes sources affirment que sans le secret de l’instruction dû à la justice militaire, les deux hommes ne resteraient pas une minute en prison. Plusieurs politiciens dont Mohamed Abbou ont jugé, après avoir étudié le dossier de l’accusation, que cette affaire est extrêmement louche. Comment ceux qui précisément ont éliminé la menace terroriste pourraient-ils être soupçonnés de « complot contre l’État »? C’est à proprement parler impossible, ces gens là sont connus pour leur sérieux et leur abnégation. La réalité est qu’ils étaient devenus, par leur travail, trop dangereux pour plusieurs intérêts, aussi bien politiques que mafieux, sans oublier que les deux sont souvent liés.
L’arrestation de ces deux cadres supérieurs de la sureté de l’Etat a entraîné une grande crise de confiance entre le pouvoir et les forces de l’ordre qui subissent de plein fouet l’inconséquence du pouvoir et qui, de ce fait, perdent sérieusement en efficacité. C’est cette crise qui a fini par rendre déplorables les rapports entre policiers et politiques. Les policiers, dans le cadre de leur travail de renseignement, ont besoin de la confiance des politiques, or ces derniers se sont mis à les accuser sans aucun fondement, d’où la crise actuelle et les accusations qui touchent jusqu’au ministre de l’Intérieur que beaucoup accusent d’arrières pensées politiques. La vérité est ailleurs, elle est dans le refus, par les politiques, d’une police républicaine, elle est dans la fâcheuse tendance de vouloir placer des béni-oui-oui là où la neutralité doit être reine.
Une chose est sûre, la Tunisie est aujourd’hui dans une situation sécuritaire inférieure à celle qu’elle a connu en 2017.
Youssef Chahed a décrété le 7 Mars « journée nationale de triomphe sur le terrorisme », mais il laisse sans raison en prison ceux qui ont contribué à ce triomphe.