Nous ne savons de la « Guerre d’Hannibal » que ce que les Romains ont bien voulu nous laisser croire. Or, en se basant sur des textes de Silénos et de Sosylos, deux biographes d’Hannibal dont quelques textes nous sont parvenus, le professeur Dominique Briquel a présenté une conférence intitulée «La propagande d’Hannibal au début de la deuxième guerre punique».

L’utilisation de la figure d’Héraklès par Hannibal

Par Dominique Briquel (Université Paris IV – Sorbonne) 

Congrès d’études phénico-puniques, Cadix 1995

Tessin, Trébie, Trasimène1, puis enfin et surtout Cannes : nous avons tous appris sur les bancs de l’école à scander la liste des victoires remportées par Hannibal sur les Romains au cours de la deuxième guerre punique. Nous avons sans doute été alors fascinés par ce moment où le destin a semblé vaciller, où par deux fois l’Vrbs a retenti du cri « Hannibal ad portas », et où — si le chef punique avait su profiter de sa victoire, et non seulement la remporter —, le sort de Rome et le devenir ultérieur du monde auraient été tout autres.

Oui, le souvenir d’Hannibal nous émeut encore, et ce n’est certainement pas vers les chefs que Rome a pu lui opposer, Fabius Cunctator ou Scipion l’Africain, que va naturellement notre intérêt. Par rapport à Hannibal, avouons-le, ils manquent singulièrement de panache et, en dépit ou peut-être plutôt justement à cause de sa défaite finale, c’est l’épopée fulgurante du chef carthaginois, son destin à la Charles XII ou à la Napoléon, qui nous séduit.

Cependant, nous avons appris à connaître Hannibal à travers des sources qui, grecques ou latines, reflètent le point de vue de Rome. Il n’y a rien d’étonnant à cela : nous n’avons plus d’Hannibal que l’image qu’en ont laissée ses adversaires victorieux. Et même si nous ne sommes pas dupes de clichés tels que la perfidie — ou par antonomase la loyauté punique, la fides Punica —, ou, autre grief traditionnel à l’égard des Carthaginois, la cruauté que les historiens latins ont plaquée sur le personnage, nous ne pouvons pas dire que nos sources s’attachent à mettre en valeur ses motivations, ses plans et ses méthodes — en dehors bien sûr de sa haine fondamentale de Rome, rapportée à la scène bien connue, et peut-être imaginaire, du serment que son père lui aurait fait prêter alors qu’il était tout enfant. C’est à ce point au contraire que nous voudrions nous attacher ici, en essayant, très brièvement, de présenter quelques remarques — qui sont plutôt des pistes pour une réflexion future — sur ce qu’on peut appeler l’environnement idéologique dont le général carthaginois a voulu entourer son entreprise, lorsqu’en 218aec il a pris, à la tête de son armée, le chemin de l’Italie.

Les auteurs latins n’expriment jamais clairement la vision qu’Hannibal a pu avoir, et vouloir donner, de son expédition. Néanmoins Tite-Live, Silius Italicus, ou encore Cornelius Nepos la laissent entrevoir, par les interstices, pourrait-on dire, de leur narration. Et surtout nous avons la chance de disposer de quelques informations provenant du camp opposé et recueillies, selon toute vraisemblance, dans l’entourage même du chef punique. Nous faisons allusion aux fragments qui nous sont parvenus de l’œuvre de deux Grecs qui ont participé à la deuxième guerre punique dans les rangs de l’armée carthaginoise et qui s’en sont faits ensuite les historiens, Silènos de Caléactè et Sosylos de Sparte1 : ils ont certainement présenté le point de vue carthaginois sur la question2, et l’ont diffusé, par leurs écrits, dans le monde hellénique. La meilleure preuve en est que c’est précisément à ce moment que naît l’historiographie romaine, et que celle-ci, avec Fabius Pictor et Cincius Alimentus, est rédigée d’abord en grec : elle était destinée à un public hellénique et cherchait à contrebalancer l’image défavorable aux Romains que répandaient les milieux procarthaginois.

Nous nous arrêterons sur celui de ces deux auteurs dont nous pouvons nous faire la meilleure — ou la moins mauvaise — idée de l’œuvre d’après le nombre des fragments qui nous sont parvenus : le Sicilien Silènos, dont neuf fragments ont été conservés3, alors que, pour Sosylos, nous ne disposons que de 2. Sur les neuf fragments de Silènos, six se rapportent à son histoire d’Hannibal : or parmi ces six fragments, nous pouvons relever que quatre concernent, directement ou indirectement, Héraklès :

Le fragment 7 (Pline l’Ancien, IV, 120), tiré de la description géographique de l’Espagne qui était donnée dans l’Histoire naturelle, évoque le site de Gadès. Mais ce fragment 7 n’est pas à séparer du fragment 9 (Strabon, III, 5, 7 [172]), qui traite d’une particularité remarquable du sanctuaire d’Héraklès qui s’élevait en ce lieu : on y voyait une fontaine dont le régime variait en raison inverse de la marée. Gadès était donc abordée en relation avec son célèbre sanctuaire de Melqart, identifié avec le héros grec à la massue4 ;

Le fragment 2 (Cicéron, De la divination, I, 48-49) relate le fameux songe d’Hannibal, tel que l’historien latin Cœlius Antipater l’avait repris du récit de Silènos5. Le chef punique en effet disait avoir, au début de la campagne, bénéficié d’une vision nocturne au cours de laquelle Jupiter l’avait fait venir au conseil des dieux et lui avait donné un des membres pour lui servir de guide dans sa marche contre l’Italie, tandis que, derrière eux, un terrible monstre s’avançait, semant la ruine et la destruction6. La divinité qu’Hannibal devait suivre n’est pas nommée : mais on peut très vraisemblablement reconnaître en elle Héraklès, ainsi que l’ont proposé W. Huss et J. Seibert7 ;

Enfin, le fragment 8 (Solin, I, 14-15) met explicitement Héraklès en scène, cette fois à propos de Rome : Silènos avait donné une explication du nom du mont Palatin qui le faisait venir de celui de Palantho, fille d’un certain Hyperboréos (c’est-à-dire de l’éponyme de la mystérieuse peuplade nordique des Hyperboréens), à laquelle le héros à la massue se serait uni en cet endroit.

Cette proportion élevée de fragments « héracléens » — quatre sur les six qui se rapportent à l’histoire d’Hannibal — pourrait sans doute être due à un hasard. Mais nous ne le pensons pas : car elle paraît prendre un sens si nous rapprochons les fragments que nous avons évoqués de données tirées des autres textes que nous avons sur l’entreprise d’Hannibal, et qui semblent les éclairer et les inscrire dans la perspective d’un rapport étroit et voulu entre le chef punique et le héros vainqueur de monstres8.

Ainsi, si Silènos a parlé du sanctuaire de Gadès, c’est certainement à l’occasion du vœu qu’Hannibal y a prononcé en 219 au moment du départ de son expédition vers l’Italie. Tite-Live le précise : après la prise de Sagonte, il se rendit en ce lieu et y prononça un vœu solennel9. On a insisté à juste titre sur l’importance de cette démarche, qui obligea Hannibal à effectuer un voyage de plus de mille kilomètres à un moment crucial pour lui : elle avait clairement pour signification de mettre l’expédition sous le signe du héros, et de lui fixer comme point de départ les Colonnes d’Hercule10.

Le songe d’Hannibal est assez clair en lui-même : retenons simplement que, comme il est rapporté par Silènos, il n’y a pas lieu de mettre en doute son historicité, ni le fait qu’il remonte à une présentation des faits donnée par Hannibal lui-même. Il donne le sens qu’il attribuait à son expédition : elle se faisait sous la conduite d’Héraklès. Ainsi la route suivie par l’armée carthaginoise est à comprendre comme s’inscrivant dans la tradition de la « voie héracléenne », ouverte par le héros revenant de son expédition aux bords de l’Océan11, et bien sûr l’épisode central qu’est le franchissement des Alpes est aussi, explicitement, posé comme reprenant le modèle du héros à la peau de lion12. Il n’y a pas lieu d’entrer ici dans le détail de la question du passage des Alpes, de celui de la voie punique distincte de la voie héracléenne13 et du sens éventuellement négatif que peut prendre cette innovation d’Hannibal par rapport au héros grec14 ; il nous suffit de souligner que l’imitatio Herculis est explicite, et que Tite-Live, qui la relève, la rapporte à une volonté consciente de la part du chef carthaginois15.

Qu’Hannibal revendique le patronage du héros guerrier qu’est Héraklès est somme toute assez naturel. Mais Héraklès, à cette époque, n’est plus seulement le héros fort qui vainc tous ceux qu’il affronte : son rôle de héros victorieux, qui triomphe des peuples barbares dont il parcourt le territoire, se double d’une mission civilisatrice. Son triomphe est celui de la civilisation sur la barbarie16. Et ce double aspect se retrouve dans la présentation donnée à l’action d’Hannibal : ainsi Cornelius Nepos, dans le passage où il évoque le passage des Alpes et rappelle le précédent d’Héraklès, souligne combien le chef carthaginois a rendu ces lieux sauvages désormais accessibles, en y ouvrant une voie17. On devine là l’attribution, à Hannibal également, du rôle civilisateur d’Héraklès, point dont nous allons retrouver d’autres indices.

Reste le dernier fragment de Silènos, qui concerne le Palatin, c’est-à-dire Rome, et permet d’attribuer à l’historien sicilien une doctrine dont on retrouve quelques traces ailleurs18. Il n’y est pas fait référence à Hannibal et à son expédition ; mais la perspective « héracléenne » dans laquelle s’inscrivait la marche du chef punique vers l’Italie permet de comprendre la place que tenait cette histoire dans l’œuvre de Silènos — et déjà auparavant dans la présentation qu’Hannibal donnait de son action. Une fois les Alpes franchies, Héraklès poursuivait son avancée triomphale à travers l’Italie et Rome représentait une étape particulièrement importante de son itinéraire : c’est là que, assumant sur le sol de l’Vrbs, et précisément au pied du Palatin dont parle notre fragment, son rôle classique de vainqueur de brigands et de monstres, il abattait le cruel Cacus et méritait ainsi de voir reconnue sa nature divine.

Nous verrions donc dans ce fragment de Silènos un élément nouveau, et important, de l’alignement voulu par Hannibal de son entreprise sur la geste du descendant d’Alcée. Elle devait se prolonger jusqu’à Rome, et il n’est sans doute pas fortuit que, lorsqu’en 211 l’armée carthaginoise s’approcha, pour la seconde fois, des murs de l’Vrbs, elle s’installa près du temple d’Hercule à la porte Colline19. À la suite d’Héraklès, Hannibal allait s’avancer jusqu’aux bords du Tibre et, en y remportant la victoire sur ses ennemis, en purger les lieux des brigands qui les infestaient.

Car cette vision « héracléenne » de l’entreprise d’Hannibal comprend, symétriquement, une vision dépréciative de ses adversaires romains que le fragment de Silènos nous permet de deviner. Il nous faut en effet nous arrêter sur le point particulier, et de prime abord des plus étranges, que représente le recours, pour rendre compte du nom d’un site romain, non pas à une héroïne locale, mais à une étrangère venue du Nord. La singularité de la présentation de Silènos est encore plus flagrante si on lui attribue également, comme cela paraît légitime, la précision supplémentaire, donnée par Denys et Paul, que l’éponyme des Latins, Latinus, était né de cette jeune Hyperboréenne20. Et il est inutile de souligner combien est absurde le comportement que cette histoire prête au héros à la massue — dont on connaît assez le goût pour les aventures féminines ! Au lieu de jeter aussitôt son dévolu sur la belle captive que lui a remise en otage son père, le roi des Hyperboréens, il la traîne derrière lui jusqu’en Italie et ne s’en éprend, tout d’un coup, que lorsqu’il arrive sur le site de Rome.

En réalité, comme l’a bien montré notre collègue italien A. Mastrocinque21, cette accumulation d’étrangetés, sinon d’absurdités, ne se comprend que si on voit dans cette histoire la réfection d’une plus ancienne tradition, qui nous a été conservée par Justin et qui faisait intervenir des héros locaux. Selon l’auteur des Histoires Philippiques, qui, comme on le sait, se fonde souvent sur une information ancienne d’origine grecque22, Latinus, l’éponyme des Latins, aurait bien été le fils d’Héraklès, mais celui-ci l’aurait engendré, non de la fille d’un roi nordique, Hyperboréos, mais de celle du roi Faunus23, figure dont l’enracinement dans les traditions latines n’a pas besoin d’être souligné24. On a là la version de base, beaucoup plus satisfaisante, puisque cohérente avec la géographie, que celle suivie par Silènos : la version que présente l’auteur grec résulte d’une modification, qui y a introduit une référence aux Hyperboréens, lesquels n’avaient rien à faire au départ dans cette histoire.

Mais pourquoi aurait-on fait intervenir ici les Hyperboréens, ce mystérieux peuple du Nord25 ? Il faut sans doute admettre que, derrière cette référence, se cache une allusion aux Gaulois — à qui on identifiait effectivement souvent, à l’époque hellénistique, ce peuple légendaire26. Ce qui implique, dans cette présentation de Silènos, un lien entre Héraklès et les Gaulois : celui-ci est bien attesté, et une tradition bien établie — qui utilise d’ailleurs le motif, courant dans la geste d’Héraklès, de la fille d’un roi local que le héros séduit et dont, comme souvent pour des pays barbares, il engendre l’éponyme de la contrée — atteste les liens qui se sont noués entre le descendant d’Alcée et les habitants de la Gaule lors de son passage dans le pays27.

Héraklès noue donc des relations avec les indigènes du pays gaulois, et le lien qui s’établit avec eux est présenté positivement : le héros apparaît dans son rôle civilisateur, dont nous avons rappelé l’importance, et, après son passage, ces anciens barbares, civilisés à son contact, peuvent apparaître comme ses appuis et ses alliés — à l’image de la jeune Hyperboréenne qu’il mène en Italie, et précisément à Rome. Il en résulte une sorte de superposition de la référence à Héraklès et de celle aux Gaulois. Or M. Sordi avait déjà bien mis en relief le fait que le franchissement des Alpes par Hannibal, tel que le présentait une historiographie grecque hostile à Rome contre laquelle polémique Tite-Live, se référait non seulement au modèle d’Héraklès, mais aussi à celui de Bellovèse, de l’invasion de l’Italie par les Gaulois28. Il ne convient sans doute pas de voir dans cette référence positive aux Gaulois (d’un point de vue carthaginois du moins) une élaboration tardive29 : dans un discours qu’il prête à Hannibal, en 218, avant le passage des Alpes, Tite-Live fait évoquer par le chef punique le modèle que constitue pour ses soldats la prise de l’Vrbs par les bandes de Brennus30. Il est à penser que le général carthaginois a effectivement eu recours à ce précédent que constituait pour son armée (laquelle, est-il besoin de le rappeler, comprenait de nombreux contingents celtiques) l’invasion gauloise de Rome, la seule occasion où un ennemi était parvenu à occuper le sol de l’Vrbs. À côté de la référence à Héraklès, celle à la pénétration des Gaulois en Italie a certainement été un des éléments sur lesquels Hannibal s’est fondé pour justifier son action et fonder ses espoirs de succès.

Le fragment de Silènos nous permet de pénétrer un peu mieux dans cette propagande qui a dû se développer autour de la marche du chef punique vers l’Italie et vers Rome. Car on y voit la référence au héros à la peau de lion et celle aux Gaulois — à travers la jeune fille hyperboréenne — se combiner (et non simplement se superposer, comme c’était le cas pour les deux passages des Alpes, celui d’Héraklès et celui de Bellovèse). Et la signification que pouvait prendre cette histoire pour les troupes que menait Hannibal était claire : en franchissant les Alpes, en pénétrant dans la Péninsule, en allant jusqu’à Rome, l’armée qui suivait ce chef qui se posait comme un nouvel Héraklès marchait sur les traces du descendant d’Alcée et de sa compagne hyperboréenne, l’éponyme du Palatin qui avait donné naissance à celui des Latins, Latinus. En se fixant comme objectif la terre latine et la ville où s’élevait le mont Palatin, elle allait y revendiquer ce qui apparaissait comme son héritage légitime, un pays dont les habitants d’alors, les Romains contre lesquels luttait l’armée punique, étaient au contraire des occupants abusifs, qu’il convenait de mettre à la raison, comme jadis Héraklès l’avait fait pour Cacus31.


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NOTES

1 Voir respectivement FGH 175 et 176 ; voir FGH 175 T 2 = 176 T 1 = Cornelius Nepos, Hannibal, 13, 3 : huius belli gesta multi prodiderunt, sed ex his duo, qui cum eo in castris fuerunt simulque uixerunt., quamdiu fortunapassa est, Silenus et Sosylus Lacedaemonius. Il a dû exister d’autres auteurs grecs favorables aux Carthaginois, comme ce Chaireas (FGH 177), par ailleurs inconnu, que Polybe, III, 20, 5, cite en même temps que Sosylos (= T 3). Voir aussi FGH 180 (= Pol., III, 6, 1), sur des « umbestimmte Hannibalhistoriker ».

2 En accord avec une tendance ancienne, F. Jacoby parle à propos de Silènos d’« ein neutraler bistorischer Bericht » (se fondant sur F 2 et F 6). Mais sans être, comme il le dit lui-même, « eine Propagandatchrift », leur œuvre n’en devait pas moins épouser le point de vue d’Hannibal. Voir à ce sujet K, Meister, « Annibale in Sileno » ; et J. Seibert, Forschungen zu Hannibal, p. 12 et p. 20.

3 Trois de ces fragments se rapportent cependant à un ouvrage consacré à la Sicile (F 3, 4, 5), Les fragments ¡ et 2 sont expressément tirés de l’histoire d’Hannibal, et il en va certainement de même pour les quatre derniers, dont les F ó, 7 et 9 concernent des faits espagnols et F 8 traite de Rome.

4 Sur la question, nous pouvons renvoyer à C. Bonnet, Melqart, pp. 203-230 ; et C. Jourdain-Annequin, Héraklès aux portes du soir.

5 Pour la détermination de ce qui revient en propre à l’historien grec et de ce qu’il faut attribuer à Cœlius, on se reportera à l’étude exhaustive de J. Seibert, Forschungen zu Hannibal, pp. 184-191, en particulier p. 188. L’interdiction faite à Hannibal de se retourner pourvoir ce qui se passait derrière lui et le fait qu’il enfreignit cet ordre a des chances de remonter à une réfection faite par Cœlius, servant à rendre compte de son échec final.

6 Le motif est repris par Tite-Live, 21, 22, 5-9, Valère Maxime, I, 7, 1, Silius Italicus, III, 163-213, Dion Cassius, 13, 56, 9. Pour l’analyse des variantes, J. Seibert, Forschungen zu Hannibal, pp. 188-190. Polybe y fait allusion lorsqu’il critique ceux qui prétendent qu’Hannibal aurait été guidé par une divinité lorsqu’il a passé les Alpes pourvenir en Italie (III, 47-48 ; sur l’attitude de Polybe, K. Meister, Historische Kritik bei Polybios, pp. 155-159).

7 Voir respectivement W. Huss, « Hannibal und die Religion », pp. 237-238 ; et], Seibert, Forschungen zu Hannibal pp. 186-1 87 (avec rejet justifié d’une identifié cation avec Hermès) ; également C. Bonnet, Melqart, p. 181, avec n. 83. Sur les monnaies barcides d’Espagne avec une représentation de Melqart-Héraklès à qui on a peut-être voulu donner les traits de ces généraux, voir C. Bonnet, Melqart, pp. 232-233 (pour cette interprétation, E. G. S. Robinson, « Punie Coins of Spain » ; contre cette interprétation, L. Villaronga, Diez años de novedades).

8 Nous nous en tenons ici volontairement aux relations qui peuvent être établies entre Hannibal et Héraklès à propos de l’invasion de l’Italie. Pour une étude plus générale de la question, on pourra consulter G. Piccaluga, « Herakles, Melqart e la penisola iberica »; et W. Huss, « Hannibal und die Religion ».

9 Tite-Live, 21, 21, 9 : Hannibal cum recensuisset omnium gentium auxilia, Gadis profectus Herculi nota exsoluit nouisque se obligat uotis, si cetera prospéra euenissent. À son habitude, Silius développe complaisamment l’épisode (III, 1-213).

10 Tite-Live fait préciser ce point par Hannibal dans le discours qu’il lui fait tenir en 21, 43, 13 : ab Herculis columnis, ab Oceano terminique ultimis.

11 Voir N. J. de Witt, « Rome and the « Road of Hercules » » ; R. Dion, « La voie héracléenne » ; et R. C. Knapp, « La via heraclea en cl Occidente ».

12 Héraklès et Hannibal sont associés dans Cornelius Nepos, Hannibal, 3, 4, Silius Italicus, III, 513-5, IV, 4-5, Pline L’ancien, II, 123 ; Dion Cassius, 54, 10, parle d’Hannibal comme du premier des « non-Européens » à avoir franchi les Alpes, ce qui se réfère sans doute à Héraklès. Tite-Live, V, 34, 6, dans un passage où il parle de Bellovèse (mais où le souvenir d’Hannibal est présent comme l’a bien montré M. Sordi, « Timagene d’Alessandria », pp. 788-793), range au nombre des fables la tradition sur le passage des Alpes par Héraklès — ce qui rentre dans une polémique visant aussi Hannibal (M. Sordi, « Timagene d’Alessandria »).

13 Ce point est bien précisé par Silius Italicus et Pline ; également Ammien Marcellin, 15, 10 et 11 (se fondant sur Timagène, FGH 88 F 14). Servius, commentaire à Virgile, Énéide, 10,13, et Tite-live, V, 38, ne parlent que du passage d’Hannibal qui aurait donné naissance au nom des Alpes Pœnnae (Tite-Live refuse il est vrai l’explication).

14 Silius Italicus fait de ce choix une marque de démesure du chef carthaginois, qui prétend ainsi se poser comme supérieur à Héraklès.

15 Tite-Live, 21, 47, 7 : utrum Hannibal hic sit aemulus Herculis, ut ipse fert? (question mise dans la bouche de Scipion avant la bataille de la Trébie) ; voir Silius Italicus, IV, 4-5 : aemulaque Herculei iactantem facta laboris/descendisse ducem.

16 Nous pouvons renvoyer sur ce point à l’article classique de L. Lacroix, « Héraklès, héros voyageur et civilisateur » ; le motif a été étudié à propos de Denys d’Halicarnasse par P.-M. Martin, « Héraklès en Italie » ; voir aussi C. Bonnet, Melqart, pp. 233-234 ; et surtout C. Jourdain-Annequin, Héraklès aux portes du soir, passim,

17 Cornelius Nepos, Hannibal, 3, 3-4.

18 Dans Paul – Festus, 220 L (qui précise que de l’union de Palantho et Héraklès serait né l’éponyme des Latins, Latinus) et Denys d’Halicarnasse, Antiquités romaines, ; I, 43, 1 (qui parle d’une jeune fille hyperboréenne et mentionne également son fils Latinus).

19 Tite-Live, 26, 10, 3.

20 On peut tenir pour fonctionnellement équivalentes les précisions « fille d’Hyperboréos » (Silènos d’après Solin et Paul), et « jeune fille hyperboréenne » (Denys).

21 Voir A. Mastrocinque, Romolo, pp. 35-41.

22 Le rôle de Timagène, parfois contesté, a été bien mis en relief dans M. Sordi, « Timagene d’Alessandria ».

23 II convient probablement de donner à cette fille du roi local le nom de Pallantia, d’après Servius, commentaire à Virgile, Énéide ; VIII, 51 (la présentant comme filia Euandri ab Hercule uitiata ; Évandre et Faunus peuvent ici être tenus pour deux figures équivalentes) : elle aussi est donc liée au Palatin et fournit une explication de son nom.

24 Sur Faunus, on consultera surtout A, Brelich, Tre variazioni romane sul tema delle origini, pp. 57-72.

25 Sur la question des Hyperboréens et de leur identification avec tel ou tel peuple réel, on pourra se reporter à R. Dion, « La notion d’Hyperboréens ».

26 La meilleure illustration du fait est fournie par l’identification avec les Hyperboréens de l’armée gauloise qui s’empare de Rome en 390 av. J.-C. (voir Plutarque, Vie de Camille, 22, 3).

27 On se reportera particulièrement à la présentation que donnait Timagène et qui a été transmise par Ammien Marcellin (15, 9, 2 = FGH 88 F 2).

28 Voir M. Sordi, « Timagene d’Alessandria ».

29 M. Sordi, « Timagene d’Alessandria », s’intéresse à la présentation des faits au niveau de Timagene : mais celui-ci a ici suivi une tradition plus ancienne et une référence au modèle de la prise de Rome par les Gaulois qu’Hannibal semble avoir lui-même utilisé.

30 Voir Tite-live, 21, 30, 10.

31 Cette présentation attribuant aux Gaulois une sorte de droit de possession sur Rome et le Latium prolonge probablement des élaborations de date sensiblement antérieure, qui se sont faites à l’époque de la prise de Rome par les Gaulois en 390 av. J.-C. Les Gaulois qui ont pris Rome ont eu partie liée, au moins après l’événement, avec Denys de Syracuse, et les milieux syracusains semblent avoir voulu défendre cette alliance contre nature entre le tyran et les barbares gaulois qui venaient de s’emparer de Rome, réputée πόλις’Eλληνίς, en imaginant des légendes qui conféraient aux Gaulois des droits sur le sol de l’Vrbs. Mais il ne paraît pas qu’on ait eu alors recours à la figure d’Héraklès. Voir sur la question L. Braccesi, « Diomedes cum Gallis » ; A. Coppola, « Ancora su Celti » ; et Id., « L’Occidente ».

NOTES DE FIN
1 Une première version de cette étude a été présentée oralement lors du Congrès d’études phénico-puniques à Cadix en 1995 sous le titre « La propagande d’Hannibal au début de la deuxième guerre punique ».

AUTEUR
Dominique Briquel
Professeur à l’Université Paris IV – Sorbonne

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