La question de l’indépendance réelle de la Réserve fédérale (FED) est complexe et dépend du sens donné au terme « indépendance ». Voici une analyse en deux temps : les faits institutionnels, les débats qui en découlent et la rumeur sur l’influence des Rockefeller
Structure et indépendance formelle
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Autonomie opérationnelle :
La FED est conçue pour être indépendante du pouvoir politique immédiat. Le Conseil des gouverneurs, qui supervise le système, est composé de sept membres nommés par le président des États-Unis et confirmés par le Sénat, avec des mandats de 14 ans, volontairement longs pour limiter les pressions politiques à court terme. La FED ne dépend pas d’un budget voté par le Congrès ; elle se finance via les intérêts de ses actifs (notamment les bons du Trésor) et les frais payés par les banques membres. Cette autonomie financière renforce son indépendance. -
Mandat légal :
Le Federal Reserve Act de 1913, modifié par la suite, donne à la FED une double mission : stabilité des prix et plein emploi. Elle décide de la politique monétaire (taux d’intérêt, masse monétaire) sans approbation directe du gouvernement ou du Congrès, ce qui la distingue des banques centrales dans des systèmes plus centralisés. -
Rôle des banques privées :
Les douze Federal Reserve Banks régionales sont techniquement « détenues » par les banques commerciales membres, qui en sont actionnaires. Cependant, ces actionnaires n’ont pas de contrôle sur la politique monétaire ; leur rôle est limité à la gestion locale et au versement d’un dividende fixe (6 %). Les décisions clés sont prises par le Federal Open Market Committee (FOMC), dominé par les gouverneurs publics et le président de la FED de New York.
Limites et débats sur l’indépendance
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Pressions politiques indirectes :
Bien que formellement indépendante, la FED n’opère pas dans un vide. Les présidents américains ont parfois tenté d’influencer ses décisions, comme Donald Trump critiquant ouvertement Jerome Powell en 2018-2019 pour les hausses de taux. Historiquement, des figures comme Lyndon Johnson ont aussi fait pression sur les présidents de la FED. Ces interférences n’ont pas de pouvoir légal, mais elles peuvent peser sur l’opinion publique et les choix stratégiques. -
Liens avec le secteur financier :
Les critiques pointent une proximité entre la FED et les grandes banques de Wall Street. Beaucoup de ses dirigeants, comme les présidents de la FED de New York, ont des parcours dans la finance privée (ex. : Timothy Geithner chez Goldman Sachs avant 2008). Lors de la crise de 2008, les sauvetages bancaires massifs ont alimenté l’idée que la FED sert d’abord les intérêts des élites financières, ce qui questionne son indépendance vis-à-vis de ces acteurs. -
Contrôle démocratique limité :
L’indépendance de la FED signifie aussi qu’elle échappe largement à la supervision directe du Congrès ou des électeurs. Certains, comme Ron Paul avec son slogan « End the Fed », y voient une entorse à la démocratie, arguant qu’une institution aussi puissante devrait rendre des comptes plus clairs. La FED publie des rapports et témoigne devant le Congrès, mais ses décisions restent internes. -
Contexte global :
Enfin, la FED n’est pas totalement isolée des pressions internationales. Ses choix affectent l’économie mondiale (via le dollar comme monnaie de réserve), et elle doit parfois coordonner avec d’autres banques centrales (ex. : crise de 2008), ce qui limite son autonomie absolue.
La rumeur persistante sur l’influence des Rockefeller sur la Réserve fédérale (FED) trouve ses racines dans une combinaison de faits historiques, de théories conspirationnistes et de malentendus sur le fonctionnement du système bancaire américain. Voici les principaux éléments qui alimentent cette idée :
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Liens historiques avec le secteur bancaire :
La famille Rockefeller, grâce à la fortune colossale bâtie par John D. Rockefeller via Standard Oil, a exercé une influence significative sur le monde financier américain au tournant du XXe siècle. Ils ont investi dans de grandes banques comme la National City Bank (ancêtre de Citibank) et Chase National Bank (qui deviendra plus tard JPMorgan Chase). Ces institutions sont devenues des acteurs majeurs du système bancaire et, par extension, des actionnaires des Federal Reserve Banks dans leurs districts respectifs. Cette connexion réelle a été extrapolée pour suggérer un contrôle direct sur la FED. -
Réunion de Jekyll Island (1910) :
La création du Federal Reserve Act en 1913 a été précédée d’une réunion secrète sur l’île de Jekyll, où des banquiers influents et des politiciens ont conçu les bases du système. Parmi les participants figuraient des associés de grandes fortunes, comme Paul Warburg, lié à des intérêts bancaires internationaux, et des représentants de firmes connectées aux Rockefeller. Bien que les Rockefeller eux-mêmes n’aient pas été directement impliqués, leur association avec l’élite financière a alimenté l’idée qu’ils tiraient les ficelles. -
Critiques du système privé-public :
La structure hybride de la FED — avec des banques régionales « possédées » par des banques privées tout en étant supervisées par une autorité publique — a toujours suscité des soupçons. Les Rockefeller, en tant que symbole des dynasties capitalistes, sont souvent désignés comme les marionnettistes cachés d’un système perçu comme favorisant les élites au détriment du public. -
Théories conspirationnistes :
Des ouvrages comme The Creature from Jekyll Island de G. Edward Griffin ont popularisé l’idée que la FED serait une machination orchestrée par un petit groupe de familles riches, dont les Rockefeller. Ces récits, bien qu’exagérés et souvent dénués de preuves solides, exploitent le flou autour des actionnaires des Federal Reserve Banks et la complexité du système pour insinuer une domination familiale. -
Influence culturelle et médiatique :
Le nom Rockefeller est devenu un raccourci pour désigner le pouvoir des grandes fortunes aux États-Unis. Leur implication dans des think tanks, des fondations (comme la Fondation Rockefeller) et des réseaux politiques a renforcé l’idée qu’ils influencent indirectement des institutions comme la FED, même si cela reste spéculatif.
Réalité vs rumeur :
En réalité, aucune preuve concrète ne montre que les Rockefeller contrôlent directement la FED aujourd’hui. Leur influence historique sur certaines banques actionnaires existe, mais elle est diluée dans un système où des milliers de banques participent, et où le Conseil des gouverneurs, nommé par le gouvernement, détient le vrai pouvoir de décision. La rumeur persiste parce qu’elle répond à un besoin narratif : expliquer un système opaque et complexe par l’action d’une poignée d’individus puissants. C’est une simplification séduisante, mais qui ne reflète pas la mécanique réelle de la FED.
En réalité, aucune preuve concrète ne montre que les Rockefeller contrôlent directement la FED aujourd’hui. Leur influence historique sur certaines banques actionnaires existe, mais elle est diluée dans un système où des milliers de banques participent, et où le Conseil des gouverneurs, nommé par le gouvernement, détient le vrai pouvoir de décision. La rumeur persiste parce qu’elle répond à un besoin narratif : expliquer un système opaque et complexe par l’action d’une poignée d’individus puissants. C’est une simplification séduisante, mais qui ne reflète pas la mécanique réelle de la FED.
Conclusion
En définitive, la FED est juridiquement et opérationnellement indépendante du gouvernement américain dans la conduite de la politique monétaire, une caractéristique voulue pour éviter les dérives populistes ou inflationnistes. Cependant, cette indépendance n’est pas absolue : elle est encadrée par son mandat légal, influencée par des dynamiques politiques et économiques, et critiquée pour sa proximité perçue avec le secteur financier. Elle est donc autonome dans ses moyens, mais pas détachée des forces qui l’entourent. Tout dépend si l’on juge l’indépendance par son cadre institutionnel ou par son comportement dans la pratique.