« L’Instance vérité et dignité » a donné aux Tunisiens, vendredi 24 mars, un avant-goût de la réécriture de leur histoire. Cette audience était un véritable simulacre de vérité et encore plus de dignité. Aucun des principes généraux du droit ni des règles de l’histoire n’ont été respectés. Aucun esprit contradictoire, une absence totale d’historiens, aucune vérification des témoignages, des faits, des dates…

Les défenseurs de Sihem Ben Sedrine, les vrais, ceux qui connaissent son combat et s’étaient basés sur les valeurs et non sur leurs intérêts, ceux qui ont cru en la Révolution et en sa capacité à porter la Tunisie à un plus haut degré de civilisation, l’auront soutenue jusqu’au bout. C’est désormais fini, le simulacre de réécriture de l’histoire n’est pas passé car si Bourguiba avait un culte de sa personne particulièrement développé, sinon maladif, il a tout de même été le meneur du mouvement qui a abouti à l’indépendance du pays. Plusieurs militants des deux « Destour » ont réalisé de grandes choses, parfois, Bourguiba s’est retourné contre eux, souvent, il les a dénigrés, mais au delà de toutes les nécessaires petitesses qui jalonnent la vie des grands hommes, Bourguiba a été l’accélérateur de l’histoire, autrement dit l’incontestable leader de l’Indépendance. Et si ce n’était pas le cas, on se demande pourquoi les historiens n’auraient pas rétabli la vérité depuis sa mise à l’écart, il y a trente ans, surtout que tous les documents concernant les négociations de l’indépendance sont tombés dans le domaine public et sont à la disposition des chercheurs. Mais l’IVD, quand à elle, a choisi le pire des amateurismes.
On se souvient de ses premières audiences, la vérité et la dignité y étaient, des témoignages poignants, censés, utiles pour un pays ayant subi des décennies d’aliénation. Mais petit à petit, la vérité glissa vers la désinformation et la dignité vers la petitesse, la périgée de celle-ci ayant été atteinte vendredi 24 mars 2017.
Cette dernière séance de l’IVD « Instance vérité et dignité », instituée par la Constitution de 2014, a été la goutte, ou plutôt le crachat, qui a fait déborder le vase de la désinformation, du mensonge et de la duplicité de cette instance qui se veut constitutionnelle mais qui n’est que partisane de la manœuvre de destructuration de la Tunisie, engagée par la Troïka en 2012 par divers vecteurs : celui de l’État, par le recrutement inconsidéré de 150 000 fonctionnaires ; celui de l’économie, par l’absence totale de réaction face au développement exponentiel de la contrebande et l’ouverture du marché tunisien aux partenaires internationaux de la Troïka sans aucune mesure de sauvegarde pour des secteurs entiers de l’économie ; celui de la sécurité nationale par l’ouverture des frontières aux terroristes, à l’arrivée et au départ, sans oublier l’absence de réaction durant des mois contre les soi-disant sportifs du Djebel Chaambi, en fait des terroristes qui, plus tard, assassineront des dizaines de soldats.
Pratiquement toutes les structures du pays ont été ravagées par l’arrivée des islamistes au pouvoir, et désormais, c’est sa superstructure, son histoire elle-même, qui est déformée, salie, vilipendée par la validation de simples témoignages sans aucune vérification historique, au point de laisser des témoins affirmer que « Bourguiba n’a rien à avoir avec l’indépendance ».

Florilège de ce saccage de l’histoire de la Tunisie :

  • – Exactions et violations commises par Bourguiba, ses collaborateurs et les autorités coloniales le soutenant aux dépens des véritables leaders nationalistes qui ont été écartés des négociations, voire assassinés, avec la bénédiction ou du moins le silence de Bourguiba et de son parti complice, justement pour que ces négociations puissent avoir lieu et permettre à Bourguiba d’accéder au pouvoir et écrire l‘histoire comme il le voulait.
  • – Mise en cause de l’Indépendance par Sihem Ben Sédrine : « Il est nécessaire aujourd’hui de faire face, avec courage, à la réalité telle qu’elle est, loin de toute tendance à l’instrumentalisation politique de l’écriture de notre histoire nationale, et en mettant aussi de côté la version officielle ».
  • – Bourguiba a orchestré l’assassinat de Farhat Hached le 5 décembre 1952.

Et bien d’autres affirmations aussi ridicules les unes que les autres…

En somme, la Constitution de 2014 s’est non seulement révélée incapable de permettre au gouvernement de faire son travail, mais, entre autres tares majeures, comme celle d’une justice devenue ennemie de l’État, elle a octroyé à une instance purement politique, sans aucune capacité scientifique et surtout avec une partialité fondamentale, la légitimité constitutionnelle pour insulter l’histoire de la Tunisie déjà malmenée durant des décennies par une dictature scélérate.

En définitive, toute l’œuvre fondatrice, républicaine, étatique, nationaliste, économique, souveraine de la Tunisie de Bourguiba est désormais sujette à une manœuvre hautement vile et intéressée de désinformation pour faire passer les sponsors islamistes de Mme Ben Sédrine pour les garants de l’avenir du pays, en oblitérant sciemment leur rôle majeur dans la destruction de la Tunisie et de sa jeunesse, recrutée en masse pour servir de chair à canon au complexe otano-wahhabite.
Un avenir qu’ils ont été les premiers à rendre hypothétique en déformant une révolution progressiste, nationaliste, moderniste en un « merdier oriental ».

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