Voici l’une des histoires les plus conflictuelles de la géopolitique : les relations entre l’Inde et les États-Unis.

Pendant des décennies, les États-Unis ont été incapables de classer l’Inde : ami, ennemi, pion, main-d’œuvre bon marché, vaste marché, concurrent ou autre chose ?
Lors de son deuxième mandat, Trump a fait en sorte que Modi soit l’un des premiers dirigeants étrangers à se rendre à la Maison Blanche. Trump a relancé le QUAD (Le « Quad » fait référence au Dialogue quadrilatéral pour la sécurité, une alliance informelle réunissant quatre pays : les États-Unis, le Japon, l’Inde et l’Australie. Créé initialement en 2007 à l’initiative du Premier ministre japonais Shinzō Abe, il vise à promouvoir un ordre régional libre et ouvert dans la région Indo-Pacifique, principalement en réponse à l’influence croissante de la Chine dans cette zone stratégique.) en 2017 et a rebaptisé le terme Asie-Pacifique en « Indo-Pacifique », avec un clin d’œil clair au statut croissant de l’Inde.

De nombreux accords militaires ont été conclus entre les deux pays au cours des dernières années.
Pourtant… de nombreuses tensions persistent entre les deux pays.
George Soros et les grands médias occidentaux attaquent souvent Modi et présentent l’Inde sous un jour négatif. Les think tanks occidentaux décrivent l’Inde comme «partiellement libre»!

Les pays du « Five Eyes » (Les pays du « Five Eyes » (Cinq Yeux) forment une alliance de renseignement réunissant cinq nations anglophones : les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.) soutiennent et aident les séparatistes sikhs, tandis que l’ambassadeur des États-Unis au Pakistan visite la partie contestée du Cachemire. Ce n’est pas vraiment le comportement d’un allié.

Ces dernières années, les États-Unis ont mené trois opérations de changement de régimes proches de l’Inde : au Pakistan, au Sri Lanka et au Bangladesh. L’empire américain déstabilise la sphère d’influence de l’Inde. Et si, à l’avenir, les Américains utilisaient le Pakistan et le Bangladesh pour intimider l’Inde ?

« Il peut être dangereux d’être un ennemi de l’Amérique, mais être un ami est fatal. »

Pendant ce temps, l’ambassadeur américain a l’audace de dire à l’Inde qu’elle ne doit pas avoir d’autonomie stratégique. Autrement dit : « Soyez un bon vassal, ne cherchez pas à mener une politique étrangère indépendante.

Comme l’a dit un jour Kissinger : « Il peut être dangereux d’être un ennemi de l’Amérique, mais être un ami est fatal. »

Le plus grand coup de propagande des États-Unis est de propager la liberté et la démocratie. C’est la plus brillante refonte de l’impérialisme.

Le fait est que, tout au long de la Guerre froide, les États-Unis ont soutenu et installé au pouvoir des dictateurs impitoyables partout dans le monde. De plus, les États-Unis (et le Royaume-Uni) ont destitué ou assassiné des dirigeants démocratiquement élus lorsque ceux-ci refusaient de se soumettre à l’establishment occidental.

Comme le souligne le haut diplomate indien Jaishankar, les États-Unis ont refusé de vendre des armes militaires à l’Inde pendant quatre décennies – de 1965 à 2006 – tout en armant les dictateurs des pays voisins de l’Inde.

Et devinez qui a aidé l’Inde lorsque celle-ci était soumise de facto à des sanctions de la part des États-Unis, pourtant partisans de la démocratie ? C’était la Russie.

Le fait que la Russie soit un ami fidèle de l’Inde depuis des décennies est remarquable et rare en géopolitique, qui est souvent trop cynique et opportuniste.

Il n’est donc pas étonnant que Modi se soit rendu en Russie juste après sa réélection l’année dernière. Et Poutine se rendra en Inde cette année.

Des accords sur l’énergie et la défense à la collaboration dans des plateformes telles que les BRICS, la Russie est le meilleur allié à long terme que l’Inde puisse espérer.

Cela restera donc toujours une épine dans les relations entre les États-Unis et l’Inde, puisque les États-Unis exigent soumission et loyauté unilatérale.

À la fin de la Guerre froide, les États-Unis décidèrent d’exploiter la Chine pour ses activités manufacturières et l’Inde pour ses logiciels et services. Cependant, les grands esprits du consensus de Washington n’avaient pas prévu l’essor rapide de l’un ou l’autre de ces pays.

Fin 2014, la Chine avait dépassé les États-Unis en termes de PIB PPA. C’est à ce moment-là que la politique américaine visant à contenir la Chine a véritablement commencé. En 2016, les États-Unis ont signé leur premier accord de défense majeur avec l’Inde. Sans surprise, les conflits frontaliers entre l’Inde et la Chine ont également commencé à se multiplier.

2020 fut la meilleure année pour l’empire américain. Le plan « diviser pour mieux régner » en Asie semblait enfin porter ses fruits.

Cependant, en quatre ans, tous les plans américains astucieux ont commencé à s’effondrer. L’économie chinoise était encore robuste et le plan américain de relocalisation et de délocalisation d’industries hors de Chine avait échoué. Le commerce bilatéral entre l’Inde et la Chine s’était accru, malgré les plans américains visant à créer un fossé entre les deux géants asiatiques.

En 2024, Modi et Xi Jinping se sont rencontrés au sommet des BRICS et les relations entre les deux pays sont aujourd’hui véritablement florissantes. Quelle tristesse pour l’Amérique !

Dans l’ensemble, les États-Unis ont énormément bénéficié de leurs relations avec l’Inde plutôt que l’inverse.

Premièrement, les États-Unis ont beaucoup profité de la fuite des cerveaux – la migration des personnes les plus intelligentes d’Inde vers les États-Unis. Si cela a été bénéfique pour un faible pourcentage d’Indiens, cela a représenté une perte énorme pour le pays, notamment parce que peu d’Indo-Américains reviennent au pays.

Deuxièmement, les entreprises américaines ont réalisé des centaines de milliards de dollars de bénéfices grâce à la main d’œuvre bon marché en Inde, d’abord dans le secteur des logiciels et des services, et maintenant également dans le secteur manufacturier.

L’exploitation récente est tout simplement exaspérante. Par exemple, l’entreprise américaine Crocs ne paie ses ouvriers indiens que 120 dollars par mois, alors que son PDG gagne 10 millions de dollars par an. Autrement dit, un ouvrier indien de l’usine Crocs doit travailler 7 500 ans pour gagner autant que le PDG américain en un an ! Une telle inégalité n’existait même pas aux pires époques du féodalisme.

Le troisième point est la conquête du marché indien

Une fois que les États-Unis ont pris conscience du potentiel de l’Inde, ils ont rapidement commencé à s’emparer de tous les secteurs vitaux de l’économie indienne. Par exemple, le secteur indien des technologies financières est désormais quasiment monopolisé par Google Pay et Paytm (propriété de Walmart) ; et le commerce électronique est dominé par Amazon et Flipkart (également rachetés par Walmart).

De même, les investisseurs américains sont des actionnaires importants dans la plupart des startups technologiques à succès en Inde.

Tous les médias traditionnels indiens sont fortement influencés par les États-Unis, tout comme les groupes de réflexion.

Ce sont des erreurs stratégiques qui doivent être corrigées progressivement.

Pour l’instant, les États-Unis bénéficient énormément d’un tel contrôle sur le marché indien.

L’Inde est aujourd’hui la grande économie qui connaît la croissance la plus rapide au monde, avec un taux de croissance du PIB de 6 à 7 % par an. En 2025, l’économie indienne atteindra 4 200 milliards de dollars, dépassant largement celle du Japon l’année prochaine et celle de l’Allemagne d’ici quatre ans. Avant 2030, l’Inde sera la troisième économie mondiale (en termes de PIB nominal, mesuré en dollars américains).

Qu’est-ce que cela signifie ? Un conflit inévitable avec les États-Unis, qui tenteront de contenir l’Inde.

L’Inde gagnera en confiance et affirmera son autonomie stratégique. Elle continuera à développer ses relations avec la Russie et renforcera ses liens économiques avec la Chine. Une plus grande partie de la production sera délocalisée de la Chine vers l’Inde, les deux pays recherchant des opportunités mutuellement avantageuses.

Bientôt, les étudiants indiens pourraient commencer à fréquenter l’Université de Tsinghua ou de Pékin plutôt que Stanford ou Harvard.

L’Inde ne deviendra pas une colonie américaine dans un monde multipolaire. La prochaine génération d’Indiens sera plus confiante et plus affirmée. De plus, l’empire américain sera considérablement affaibli au cours de la prochaine décennie.

Cela donnera à l’Inde l’opportunité de réorganiser un nouveau cadre géopolitique pour elle-même en Asie et dans le monde.

La prochaine décennie sera passionnante mais aussi dangereuse, car la cabale occidentale ne va pas permettre passivement l’émergence d’un monde multipolaire.

 

D’après Sputnik India

Commentaires