Après la bataille du Lac Trasimène, sa troisième victoire sur le territoire de l’Italie, Hannibal est à 150 km de Rome. Pour tenter de faire face au péril, le sénat romain désigne– selon la procédure en cas de péril extrême – un dictateur.
Fabius Maximus le « temporisateur »
Les sénateurs romains ont été bien inspirés de choisir Fabius Maximus. Né en 275 aec, « Cunctator », le « temporisateur » est un homme politique d’une intelligence hors norme. Fabius a compris qu’Hannibal n’est pas un aventurier venu envahir l’Italie avec un esprit revanchard.
La propagande du Carthaginois, relayée par les adversaires de Rome, nombreux en Italie, lui prête des intentions civilisées qui excluent toute infraction aux lois de la guerre. Ces intentions, confirmées sur le terrain, interpellent Fabius Maximus qui réalise que le Carthaginois n’a pas l’intention d’occuper le pays, ni de détruire Rome et encore moins d’exterminer les Romains. L’objectif d’Hannibal est la destruction des armées romaines et la signature d’un traité de paix pour stopper les velléités impérialistes de Rome. Face à cette stratégie d’Hannibal, Fabius décide de mettre en place la stratégie de la « Temporisation ».
La stratégie de Fabius
Cette étonnante stratégie – la temporisation – qui lui vaudra ses surnoms, » petite brebis » et « Cunctator », comprend trois axes :
1 – le refus du combat ;
2 – l’attaque des cités alliées à Hannibal en son absence ;
3 – la fermeture des frontières à toute possibilité de renforts pour Hannibal.
Hannibal, qui avait ses espions jusque dans le Sénat de Rome, eut vent des dangereuses instructions données par Fabius qui annihilent ses objectifs de destruction de la puissance militaire romaine. Pour les contrer, il simula des déboires militaires devant des généraux romains, leur donnant l’impression qu’ils pouvaient aisément le vaincre. La grogne s’éleva au sein du Sénat où Maximus fut accusé de jouer le jeu du Carthaginois en «abandonnant les vaillants soldats de Rome à un rôle de suiveurs».
Hannibal enfonça le clou en brûlant les récoltes d’une région où se trouvait une propriété agricole de Fabius, sans toucher celle-ci. La suspicion d’intelligence avec l’ennemi s’additionna à l’esprit belliqueux et la précipitation l’emporta sur la temporisation.
Fabius fut écarté et ses deux remplaçants décident de lancer contre Hannibal – qui venait de s’emparer des réserves à blé de l’armée romaine à Cannes, en Apulie – la plus grande armée de l’histoire de Rome. Huit légions la composent. Jamais pareille armée ne fut lancée contre un unique adversaire. C’est cette super armée romaine de plus de 100 000 hommes qui fut détruite le 2 août 216.
Le Temporisateur redevint Consul et depuis, tous les mouvements militaires romains effectués durant 14 années, c’est à dire jusqu’à la fin de la guerre, corroborent sa stratégie.
Hannibal, génie de la guerre de mouvement, capable de détruire n’importe quelle armée dans une bataille en rase campagne, sera – devant l’absence d’adversité – acculé à gérer la défense des cités qui lui ont fait allégeance. Mais dépourvu de renforts, ne pouvant disperser ses forces, ils assistera, impuissant, à la chute des grandes cités qui lui ont fait allégeance et au terrible sort de leur population.
Selon Polybe, à l’entame de la guerre, Rome avait une capacité de mobilisation de 700 000 hommes et de 70 000 chevaux. Selon diverses estimations, nous savons que moins de deux ans après l’arrivée d’Hannibal en Italie, 30 % des forces mobilisables de l’Italie ont été éliminées (200 000 morts et 50 000 prisonniers). Mais à partir de l’an 3 de la guerre et jusqu’au départ d’Hannibal, en l’an 16, alors que Rome avait en moyenne 350 000 soldats et cavaliers (à peu prés 23 légions) mobilisés, plus jamais elle n’affrontera Hannibal en rase campagne. C’est cette stratégie qui a entraîné l’enlisement de la guerre et, à terme, sa fin, précipitée par le Sénat carthaginois qui non seulement n’a pas assisté Hannibal, mais a tout fait pour l’empêcher de vaincre.