Le Conseil d’administration de la Banque Centrale de Tunisie a récemment décidé de relever son taux directeur pour la deuxième fois depuis le début de l’année et l’a porté de 5,75 à 6,75% par an, soit 100 points de base.
Rencontré par « la Nation », Chedly Ben Ammar, fin connaisseur du monde de l’économie et de la finance a affirmé que cette décision est inappropriée, inopportune et pénalisante pour les entreprises et les ménages endettés qui trouvent déjà beaucoup de difficultés à faire face aux échéances de remboursement de leurs crédits.
Selon lui, cette décision aura sans doute des répercussions négatives sur l’investissement, la compétitivité des entreprises, la création d’emplois et par conséquent sur la croissance, déjà atone. Il ajoute que cette décision sera préjudiciable aux entreprises qui sont déjà confrontées à la hausse des salaires sans amélioration de la productivité , des charges sociales, des droits et taxes ( T.V.A , droit de consommation et droits de douane) , de la pression fiscale devenue de plus en plus insupportable, à laquelle s’ajoutent la dévaluation du dinar et la place de plus en plus importante occupée par le commerce parallèle , avec son lot de contrebande et de corruption.
La décision de la Banque Centrale de Tunisie de relever le taux directeur de 5,75 à 6,75% par an est motivée, selon les responsables de la B.C.T, par le souci de juguler l’inflation dont le taux au mois de mai 2018 est ressorti à 7.7 % en glissement annuel.
Selon Chedly Ben Ammar, il n’en sera rien, car cette inflation est pour l’essentiel importée (envolée des prix internationaux de l’énergie et de la plupart des produits de base, la remontée de l’inflation chez nos principaux partenaires…) et aggravée par le déficit chronique de la balance commerciale et par la dévaluation du dinar, un dinar qui n’a malheureusement pas été soutenu et, que les autorités monétaires tunisiennes ont imprudemment laissé chuter.
Ben Ammar estime que les solutions d’accompagnement, suite à la hausse du taux directeur, doivent être renforcées et améliorées. Elles doivent être adoptées de toute urgence pour amortir les effets négatifs de la décision du Conseil d’administration de la Banque Centrale de Tunisie d’avoir relevé le taux directeur. Ainsi, selon lui, il y a lieu de mettre en place des lignes de crédit spécifiques à la disposition des entreprises tunisiennes, et de décrocher le TMM du taux directeur. D’autre part, il fait remarquer que les Tunisiens s’inquiètent, à juste titre, de l’accroissement de la dette extérieure de l’Etat aux fins du bouclage de l’équilibre des finances publiques qui ont dépassé le seuil d’alerte.
La signature de conventions de prêts extérieurs par les autorités publiques compétentes est devenu à cet égard un exercice quasi régulier, habituel et routinier, dans un contexte défavorable en raison du recul de la note souveraine et de l’effet de change. Faut-il rappeler que le niveau de la dette publique pour l’année en cours, atteindra les quelques 76000 millions de dinars, dont 70% provenant de l’étranger ? Cet endettement demeure-t-il soutenable ? Assurément non, d’après lui, s’il croît plus vite que le PIB. Et notre interlocuteur de faire remarquer que le tunisien se demande, avec inquiétude, où l’on veut mener la Tunisie… Par conséquent, il est urgent , poursuit Chedly Ben Ammar, de remettre sérieusement le pays au travail et d’engager, sans délai, les réformes d’ajustement de fond nécessaires (réformes fiscales, réformes des caisses de sécurité sociales…) et d’instaurer des moyens qui permettent de contrer l’évasion fiscale : plafonnement des paiements en espèces à 3.000 dinars et recours à des moyens de paiement (chèques, virements, cartes de crédits) qui sont à même d’identifier la traçabilité de toutes les opérations financières. Il en va de la survie de l’économie tunisienne, mais aussi et surtout d’une souveraineté nationale qui risque d’être mise à mal.