Avec l’élection d’Emmanuel Macron en France, la différence d’âge entre le président tunisien et le nouveau président français – plus d’un demi siècle – est sur toutes les lèvres pour stigmatiser la vieillesse de l’un, devant la jeunesse de l’autre. Pourtant, ni la jeunesse ni la vieillesse ne sont les garantes de la réussite ou de l’échec d’un mandat présidentiel. Tant que le détenteur du pouvoir garde l’essentiel de ses capacités physiques et mentales – ce qui est le cas du président tunisien – la question de la gestion de l’État n’a rien à voir avec l’âge.
L’échec de Monsieur Béji Caïd Essebsi dans la gestion des différentes crises que subit la Tunisie est d’un autre ordre. Il est principalement celui du rejet des choix politiques qui ont entraîné son triomphe électoral et celui de Nidaa Tounes, triomphes qui lui donnaient la capacité politique d’engager le pays dans une véritable dynamique positive. Il ne l’a pas fait parce qu’il a associé ses faux alliés islamistes – qui n’avaient aucun intérêt à favoriser la mise en place d’une vraie gouvernance – à toutes les décisions, les rendant ainsi inopérantes.
Voici un résumé non exhaustif des échecs successifs du président Béji Caïd Essebsi, échecs dus à ses choix politiques et nullement à son âge.
– L’échec de la gouvernance
Au lendemain de sa victoire, Béji Caïd Essebsi a provoqué une énorme surprise en choisissant Habib Essid comme chef du gouvernement. Habib Essid est un homme sans carrière militante ni positionnement politique, c’est un haut fonctionnaire qui a servi tous les pouvoirs, islamistes compris. Il ne possède pas de charisme, est inapte à discourir et n’a fait montre d’aucune vision, ce qui a abouti à la mise en place d’un gouvernement faible qui, loin de résoudre les différentes crises, n’a même pas réussi à assurer le fonctionnement minimal de l’État.
– L’absence de « Haybet edawla » (le prestige de l’État)
Le prestige de l’État était un leitmotiv de Béji Caïd Essebsi durant sa campagne, il a mille fois fait miroiter une gouvernance qui redonnerait à l’État sa puissance et à la Tunisie sa souveraineté (Siada). Mais Béji Caïd Essebsi a préféré gouverner avec ceux qui ont justement affaibli l’État de façon drastique par le recrutement de 100 000 fonctionnaires superflus et par une incompétence qu’ils ont eux-même reconnu plusieurs fois, de façon officielle. Béji Caïd Essebsi a donc, d’emblée, laissé l’État subir une incompétence affirmée, diluant ainsi le pouvoir et empêchant l’État de renouer avec son efficacité et son prestige.
– L’absence de vérité sur les grands dossiers du pays
On se souvient de la vigueur avec laquelle Béji Caïd Essebsi disait qu’il allait rétablir la vérité sur les assassinats politiques et sur le terrorisme. Mais rien n’a été fait dans ces domaines, bien au contraire.
Alors que le rôle d’Ennahdha dans l’encouragement au recrutement de milliers de Tunisiens vers l’enfer terroriste en Syrie est hautement reconnu à travers de multiples déclarations et témoignages, Béji Caïd Essebsi a tout fait pour noyer le poisson et éviter à ses alliés l’ouverture d’un dossier très épineux. D’ailleurs, même aujourd’hui, alors qu’une commission parlementaire sur le recrutement des terroristes a été mise en place, celle-ci ne jouit d’aucun soutien, ce qui est assez significatif de l’absence de volonté de Béji Caïd Essebsi d’établir la vérité sur ce crime contre la jeunesse tunisienne, contre la Tunisie devenue la plus grande plateforme au monde de terroristes, et contre l’humanité.
Quand à la vérité sur les assassinats politiques et sur les autres attentats terroristes qui ont frappé la Tunisie, tous ceux qui se sont penchés sur ces dossiers savent que la justice a joué un rôle trouble et que jamais l’Exécutif n’a manifesté la moindre volonté pour faire connaître la vérité.
– L’absence de lutte contre la corruption
Au lieu de lutter contre la corruption de front, Béji Caïd Essebsi a renforcé l’impunité des corrompus. De quelle manière ? La lutte contre la corruption, déjà divisée entre plusieurs instances dédiées, a été encore plus diluée par un projet de loi qui, deux ans après, fait encore polémique mais demeure la principale priorité du président Caïd Essebsi, c’est d’ailleurs l’unique projet de loi qu’il ait présenté.
– Le retour du népotisme
Béji Caïd Essebsi a laissé son propre fils prendre de façon illégale et illégitime le contrôle du parti vainqueur aux élections, contribuant ainsi à le diviser et à le détruire. Il a ainsi montré qu’il est incapable de faire respecter la première valeur de la République qui est le rejet du népotisme.
Politique étrangère
Toute la politique étrangère initiée par Ennahdha et qui a placé la Tunisie sous la houlette, sinon la tutelle, de puissances orientales a été maintenue par Béji Caïd Essebsi.
– Absence de politique présidentielle
La présidence de la République tunisienne travaille au jour le jour, subissant les faits et l’actualité, incapable de concevoir un redressement du pays. Tout cela a pour cause l’absence totale de culture politique qui a entraîné une terrible faiblesse de la politique présidentielle qui s’est limitée à la résurrection tronquée d’un bourguibisme qui n’a strictement rien à voir avec les valeurs véritables du bourguibisme. Les seules actions notoires de la présidence étant le déplacement des statues du Zaïm.
Aucune action culturelle à visée nationale n’a permis à la Tunisie de mettre en avant les nouvelles valeurs de liberté et de dignité qui ont pourtant joui d’une reconnaissance mondiale.