Sur la chaîne Al-Jazeera du Qatar, Mohamed Moncef Marzouki a évoqué l’attaque de l’ambassade des États-Unis à Tunis qui a eu lieu le 14 septembre 2012. Ses déclarations ont créé la polémique, il a, entre autres, déclaré que c’est grâce à lui et à ses ordres donnés à la Garde présidentielle que la catastrophe (l’assassinat des diplomates) a été évitée. Mais plusieurs faits et témoignages remettent en cause sa version.

Les voitures brûlent dans le parking de l’ambassade

Les faits

Suite à la sortie d’un film ridicule et insultant sur le prophète de l’islam, le 14 septembre 2012, des milliers de salafistes se sont engagés, à pieds, sur la GP9 (Tunis Marsa) et se sont dirigés vers l’ambassade US pour manifester leur colère.
Côté policier, bien avant la marche, l’alerte a été donnée par le directeur de la Sûreté Nationale, mais son supérieur et ministre de l’Intérieur, Ali Laarayedh, sur ordre de Rached Ghannouchi qui pensait maîtriser la situation, a refusé de donner les instructions nécessaires pour empêcher la manifestation devant l’ambassade.

La surveillance habituelle de l’ambassade a été assurée par 2 unités « normales » (BS1) de la police et de la Garde Nationale mais aussi par la BNIR (BS2) dont le colonel Kaïs Belkahla avait été dépêché sur place dès l’alerte.

Il faut noter, c’est utile pour comprendre le récit des événements, qu’outre le ministère de l’Intérieur, la Direction anti-terroriste basée à la caserne de Bouchoucha et qui regroupe la BAT (BS3), La BNIR et la BNDNE suivait les événements par l’intermédiaire des hommes sur place (BNIR) mais aussi du ministère de tutelle et des médias.

Les salafistes prennent d’assaut l’ambassade

Or, les esprits s’échauffèrent très vite et, alors que la manifestation gagnait en violence à l’entrée de l’ambassade (côté est), des éléments extrémistes, utilisant les traditionnelles barrières comme échelles, s’introduisirent côté ouest (GP9), mirent le feu aux centaines de voitures concentrées dans le parking de l’ambassade et se dirigèrent vers les bâtiments de la chancellerie.

Averti par la prise d’assaut, le ministre de l’Intérieur donne l’autorisation de tirer sur les manifestants, mais les unités policières (BOP + GN) refusèrent d’appliquer l’ordre (tous les policiers se souviennent du sort des policiers qui ont tiré durant la révolution) et fuirent, laissant sur place les unités de la BNIR qui, immédiatement, reçurent de la Direction antiterroriste l’ordre de se déployer.

Alors que la situation devenait chaotique et que le personnel diplomatique s’était isolé dans le bâtiment principal, Ali Laarayedh, pris de panique, appela la Direction antiterroriste qui, déjà avertie, venait de dépêcher sur les lieux des renforts de la Brigade d’Intervention Rapide (BNIR) tout en ordonnant aux unités spéciales de la BAT de se préparer à intervenir.

L’ambassadeur américain Jacob Walles contacte Hillary Clinton

À peu prés au même moment, alors que les extrémistes utilisaient des barres de fer comme bélier pour briser les fenêtres du bâtiment principal où s’était réfugié tout le personnel diplomatique, l’ambassadeur américain contacta sa supérieure Hillary Clinton pour lui dire que le bâtiment central n’allait pas résister longtemps, que les quelques unités de Marine’s présentes dans l’ambassade ne suffisaient pas à assurer sa sécurité et celle de ses diplomates et qu’il fallait absolument que tout le monde quitte les lieux avant que les extrémistes n’entrent dans le bâtiment et ne les prennent en otage ou les massacrent.

Clinton appelle Marzouki

La Secrétaire d’État appela immédiatement Mohamed Marzouki pour lui demander 2 choses : une intervention immédiate des forces de l’ordre tunisiennes et une autorisation de survol du territoire par des hélicoptère de l’US Navy pour que des Marine’s (basés à Sigonella, Sicile) puissent atterrir dans le parc de l’ambassade afin d’exfiltrer le personnel.
Marzouki donna l’ordre à son directeur de la sûreté présidentielle d’aller sur les lieux et fit appeler, par Imed Daïmi, le ministre de la Défense pour l’informer de sa décision d’autoriser le passage sur le territoire des hélicoptères de la Navy.
Mais, selon ses propres propos, le ministre de la Défense, M. Zbidi, conscient de la catastrophe qu’une telle décision pouvait entraîner, a refusé net cette autorisation. Le général Ammar a confirmé les faits et déclaré qu’il avait informé l’ex-ministre de la défense, Abdelkrim Zbidi de son intention d’ouvrir le feu sur tout hélicoptère américain qui tenteraitde déposer des Marine’s sur le sol tunisien.

La BNIR et la BAT contrôlent la situation

Entre temps, les BS2, unités de la Brigade Nationale d’Intervention Rapide (BNIR) avaient déjà commencé par rétablir la situation quand arrivèrent les unités de la BAT (BS3).

Dès son arrivée sur place à la tête de la BAT, le directeur de l’antiterrorisme a insisté pour exfiltrer l’ambassadeur et l’ensemble du personnel diplomatique, mais l’ambassadeur Jacob Walles, protégé par ses Marine’s, a demandé au directeur de l’antiterrorisme de patienter car il attendait la réaction officielle de ses supérieurs à Washington. Quelques minutes plus tard, la décision de ne pas quitter les lieux fut transmise à l’ambassadeur qui en informa le directeur de l’antiterrorisme.
Au refus de l’ambassadeur de sortir, la BAT a simulé une exfiltration de ce dernier et a fait diffuser une fausse information pour dissuader un éventuel groupe armé ayant pour mission d’assassiner l’ambassadeur, comme cela s’était passé à Benghazi la veille.

La Garde Présidentielle arrive quand tout est terminé

L’ambassadeur et le personnel diplomatique US se sont retrouvés en sécurité bien avant l’arrivée des unités de la Garde présidentielle envoyées par Marzouki, d’où la polémique enfantine entre Laarayedh et Marzouki qui veulent s’approprier la réussite de l’opération alors que tous les deux, avec Rached Ghannouchi, sont les premiers responsables de cette véritable catastrophe nationale parfaitement évitable et qui a coûté très cher à la Tunisie.
Si jamais les Marine’s héliportés avaient eu l’autorisation d’intervenir, Dieu seul sait quelles catastrophes cela aurait pu engendrer alors que des milliers de salafistes étaient présents devant et dans l’enceinte de l’ambassade.

Il n’y a pas de héros à saluer à la suite de cette catastrophe. Simplement, il y a des gens qui ont fait leur devoir et d’autres qui n’avaient aucune idée de ce qu’il fallait faire.

Article réalisé avec la collaboration de Tarak Cheikhrouhou

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