Depuis quelques mois, les syndicats de l’Enseignement, relevant de L’UGTT, multiplient les mouvements de protestation pour exiger le limogeage du ministre de l’Éducation nationale, M. Néji Jalloul.
Le chef de GUN (Gouvernement d’union nationale) M. Youssef Chahed a choisi de maintenir son ministre en place : « C’est à moi seul (constitutionnellement parlant) de désigner ou de limoger les ministres. » Les leaders de l’UGTT ont vite rétorqué : « notre organisation est signataire du document de Carthage, nous avons le droit d’être consulté dans toutes les affaires relatives au travail gouvernemental. »
Le débat a donc très vite basculé de la réforme du système éducatif à « qui est le plus fort : GUN ou UGTT ». Certains observateurs ont considéré que l’intention de démissionner et le limogeage de Abid Briki, l’ex-ministre de la Fonction publique et de la Gouvernance, s’inscrit dans ce même cadre du bras de fer entre le gouvernement et la centrale syndicale.
Suite à ce conflit larvé, le ministre de l’Éducation M. Néji Jalloul est devenu la personnalité politique la plus populaire. Selon un sondage Sygma, 39 % des Tunisiens veulent « qu’il continue sa carrière politique ». Il devance Abdelfateh Mourou (36 %) et Youssef chahed (32 %).
Pour certains, Néji Jalloul est « l’homme de la réforme » voire « l’homme fort de l’Éducation nationale ».
Les mouvements de contestation et les grèves, organisés par les syndicats de l’Éducation, n’ont fait qu’accroître sa popularité. Les parents, soucieux de voir leurs enfants manquer l’école à cause des nombreuses grèves des enseignants, commencent à changer d’avis concernant l’UGTT. Ils commencent à croire en la légende Néji Jalloul considéré comme « l’homme fort qui lutte contre la mafia des cours supplémentaires et qui va procurer une tablette informatique pour chaque élève ». Plusieurs personnes sont même descendues samedi dernier à la place de la Kasbah pour soutenir le ministre de l’Éducation.
La bataille s’avère sans fin et les élèves sont devenus victimes d’un antagonisme entre l’UGTT et le gouvernement.
Le plan « B » de l’UGTT
Après les grèves, les décideurs de l’UGTT ont compris que Lassâad Yakoubi, secrétaire général du syndicat de l’Enseignement secondaire et son mouvement contre Néji Jalloul ne sont plus appréciés par les citoyens, ce qui a conduit l’UGTT a changer de tactique. Son plan « B » est bien plus diplomatique : une série de discussions a été entamée entre le GUN et l’UGTT pour trouver une solution et annuler les grèves des enseignants déjà prévues.
Lors de ces pourparlers, plusieurs rumeurs ont circulé : le chef du gouvernement se serait mis d’accord avec l’UGTT pour limoger Néji Jalloul mais ils ne seraient pas d’accord sur la manière.
Or, M. Youssef Chahed a clairement affirmé qu’il n’allait pas procéder à un nouveau remaniement.
Les problèmes de l’Éducation nationale ignorés par la réforme
Depuis son arrivée à la tête du ministère, Néji Jalloul a opéré plusieurs changements et promis une réforme, mais, selon les enseignants que nous avons contactés, les problèmes essentiels sont occultés.
Les problèmes de l’Éducation nationale tournent autour de trois points essentiels :
– L’encombrement dans les classes :
– les programmes scolaires inadaptés
– L’emploi du temps (8 heures par jour)
Dans son projet de réforme, le ministre de l’Éducation n’a pas abordé ces points. Il a mis en place un nouveau système qui lui semble fondamental mais qui s’est finalement avéré utopique à cause de l’encombrement des classes. « On ne peut jamais appliquer le plan de Néji Jalloul dans des salles de classes qui abritent plus de 35 élèves chacune. Le ministre aurait dû d’abord travailler sur ce problème-là et les syndicats aussi », nous a confié un professeur de mathématiques.
En effet, si l’UGTT avait focalisé son action sur les vrais problèmes de l’enseignement, si elle ne s’était pas entièrement vouée à des affaires politiques qui la dépassent, l’échec de la réforme de l’Éducation nationale aurait été une base bien plus sérieuse pour procéder à un limogeage et les deux parties auraient pu épargner au pays tout ce temps perdu.