Dans « Politique », livre 2 chapitre VIII, Aristote déclare que Carthage a toujours été une République et que le peuple y a toujours exercé une part importante du pouvoir.
Carthage a deux histoires, l’une a été racontée par ses ennemis, l’autre a été patiemment reconstituée par des générations d’historiens, de curieux et d’admirateurs, qui ont vite compris que la version antique de l’histoire n’est pas très fiable, d’autant que la plus grande partie concernant l’histoire de Carthage nous a été rapportée par Polybe, qui était au service de Scipion Emilien, destructeur et génocidaire de Carthage.
La plupart des autres textes dont nous disposons sont postérieurs à Polybe, ils s’inspirent très largement de son œuvre ou de quelques autres œuvres aujourd’hui disparues.
Ce que l’on sait par contre, c’est que les Carthaginois étaient particulièrement cultivés et que les bibliothèques étaient nombreuses dans la capitale punique. Polybe lui-même raconte qu’après la destruction de la ville, « les livres de Carthage ont été abandonnés aux princes africains », Rome ne gardant que les livres du premier agronome de l’histoire, Magon, livres considérés comme la plus grande prise de guerre de Rome sur Carthage.
Après le génocide et l’entreprise de domination que Rome a lancée sur le monde, l’histoire de Carthage a subi la censure et la désinformation.
Pour justifier son crime, Rome devait absolument diaboliser cette République qu’elle avait effacé de la surface de la Terre. C’est ainsi que les Carthaginois ont été accusés d’être sans foi ni loi, perfides, d’avoir des pratiques barbares comme celles des assassinats d’enfants, etc.
Toutes ces accusations, et bien d’autres encore, se sont avérées fausses. Elles ont souvent été démenties, déjà par les auteurs anciens. D’autre part, de nos jours, la science a maintes fois prouvé que les assassinats d’enfants n’ont jamais eu lieu.
Aristote : « « Carthage jouit d’une Constitution plus complète que celle des autres États » »
La désinformation a longtemps occulté la grandeur de la civilisation carthaginoise et la perfection de son système politique, loué par Aristote (IVe s. avant J.C.) « Carthage jouit d’une Constitution plus complète que celle des autres États ». Aristote déclare aussi : « Les Carthaginois […] possèdent des institutions excellentes; et ce qui prouve bien toute la sagesse de leur Constitution, c’est que, malgré la part de pouvoir qu’elle accorde au peuple, on n’a jamais vu à Carthage de changement de gouvernement, et qu’elle n’a eu, chose remarquable, ni émeute, ni tyran ».
Retenons la phrase « on n’a jamais vu à Carthage de changement de gouvernement », cette affirmation d’Aristote prouve clairement que Carthage n’a jamais connu de monarchie, ce qui signifie que depuis sa fondation en 814 av. J.-C., Carthage est une République. Il s’agit donc de la première République de l’histoire puisque celle que l’on retient habituellement pour la plus ancienne, la république romaine, a été instaurée en 509 av. J.-C. Elle est donc plus jeune que celle de Carthage de plus de 3 siècles. D’ailleurs, il est remarquable de constater combien la République romaine a emprunté à la République de Carthage, comme le principe du mandat annuel et la présence de 2 Consuls à la tête de l’exécutif – 2 suffètes pour Carthage. Cependant, malgré plusieurs ressemblances, la Constitution carthaginoise a créé des institutions bien plus riches, comme le note Aristote dans son étude sur les Constitutions de l’Antiquité.
Ainsi, la Tunisie a non seulement généré, comme c’est communément admis, la première Constitution du monde arabe (1864), mais également, comme le prouvent les écrits d’Aristote, la première République et probablement la première Constitution de l’histoire de l’humanité.
Il faut par ailleurs relever qu’il s’agit aussi de la république la plus durable de l’histoire puisqu’elle a vécu 666 ans.
Politique d’Aristote, livre 2 chapitre VIII